Entretien avec Sophie Bonin (Exode Cosmic) ou une auteure de SF qui avoue être un alien envoyé en mission sur Terre

Une auteure de SF avoue être un alien envoyé en mis­sion sur Terre

 Le 28 octobre 2019, Fré­dé­ric Grol­leau – grand gou­rou bien-aimé de la rédac­tion du litteraire.com, enfonça la porte de mon bureau avec la véhé­mence du boss qui espère sur­prendre son employé en pleine acti­vité de comp­tage de mou­tons. J’eus beau lui expli­quer que je n’étais pas en train de rou­piller, mais bien de médi­ter acti­ve­ment sur la nature exis­ten­tielle du poids de mes pau­pières, il releva ses verres solaires par le cla­pet de ses doubles lunettes afin que je puisse bien voir les éclairs lui sor­tir des yeux et, tenant fer­me­ment les bre­telles de son pan­ta­lon de velours côtelé pas­sées au-dessus de son habi­tuelle che­mi­sette hawaïenne, il tonna : « Gonzo ! C’est la der­nière fois que j’vous sur­prends à pei­gner la girafe ! Vous allez vous mettre au bou­lot et fissa ; j’vous paye pas pour faire l’atome volant moi ! Il y a une bar­jot qui écrit des his­toires plus dingues que les nôtres dans une feuille de chou appe­lée Exode Cos­mic : je veux que vous fon­ciez sur vos patins à rou­lettes pour vous entre­te­nir avec elle, illico presto ! »

Je vou­lus pro­tes­ter contre cette injonc­tion far­fe­lue à me mettre au bou­lot, mais je vis ses rou­fla­quettes tres­saillirent de colère et, avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, il s’époumona dere­chef : « Ima­gi­nez qu’elle soit la pro­chaine révé­la­tion fémi­nine de la S.-F. fran­çaise en Slo­vé­nie dans cent ans ?! À notre époque, tout est pos­sible ! Tout ! Alors, vous allez me rédi­ger un papier du feu de Dieu ; un entre­tien tel­le­ment énorme qu’il res­tera à jamais dans les annales du jour­na­lisme qui envoie du super-lourd ! C’est bien com­pris Gonzo ? ».

Farou­che­ment indi­gné par ces vio­lentes som­ma­tions à mon endroit, je bran­dis­sai le poing du pro­lé­taire opprimé sous le joug du patro­nat, tout en me pro­té­geant bra­ve­ment der­rière le dic­ta­phone de mon télé­phone pour le jour où je serais décidé à por­ter plainte contre cet enragé pour har­cè­le­ment. Voyant qu’il était déter­miné à me col­ler aux basques tant que je ne lui aurai pas ramené son fichu article, je me rési­gnai à prendre le post-it qu’il m’agitait sous le nez et sur lequel il avait gri­bouillé une adresse.

Fou de rage, j’enfilai mes patins en mau­gréant contre cet escla­va­giste moderne, ce tor­tion­naire 2.0, ce qui ne l’empêcha pas de conti­nuer à hur­ler tan­dis que je m’avançais pru­dem­ment vers l’escalier et m’élançais vers le rez-de-chaussée, cul par-dessus tête : « Et ne la faites pas pleu­rer, elle aussi, espèce de gros con ! »

C’est ainsi qu’après moult péré­gri­na­tions rocam­bo­lesques ponc­tuées d’intenses ses­sions médi­ta­tives sur la contin­gence du sys­tème sala­rial, dont je vous fais l’économie, je me trou­vai à l’adresse gri­bouillée sur le post-it, ma super montre high-tech indi­quant : Lati­tude : –49.47 | Lon­gi­tude : 69.696389. Mes pieds étaient gelés dans mes patins à rou­lettes et je man­quai à diverses reprises de me fendre le crâne sur des cou­lées basal­tiques, devant une horde de man­chots sau­vages qui, j’en suis sûr, se gaus­saient de moi sous leurs jabo­tages d’allure ano­dine.
Pour la peine, je vou­lus défier leur chef en duel, mais tom­bai aus­si­tôt dans un trou et atter­ris devant un étrange amphi­bien bipède d’environ cin­quante cen­ti­mètres de haut, pourvu d’une tête de silure, au corps cou­vert de sortes de coquillages étoi­lés, lequel me dit à peu près : « Taka­los ?… Toi pas kalos. Pas kalos du tout. Moi beau­coup kalos. »

Ses lèvres de pois­son s’étirèrent sur deux ran­gées de grosses dents car­rées et je lui confiai que j’étais à la recherche d’une auteure de science-fiction fran­çaise qui pour­rait être célèbre dans cent ans en Slo­vé­nie. Tout en conti­nuant de sou­rire, l’amphibien pointa l’un de ses quatre doigts vers le fond du tun­nel dans lequel nous nous trou­vions. Après plu­sieurs mètres à ram­per dans ce conduit, j’arrivai enfin devant une créa­ture à l’apparence humaine, assise sur un pouf mul­ti­co­lore fluo­res­cent, occu­pée à lire un ouvrage aux pages jau­nies inti­tulé La Décou­verte aus­trale par un Homme-Volant.
Me réta­blis­sant sur mes rou­lettes, je pris le temps d’épousseter mon pan­ta­lon à pattes d’éléphant tout en obser­vant le sin­gu­lier décor du lieu où mon boss m’avait envoyé : il s’agissait d’un sous-bois, où cham­pi­gnons et fou­gères lumi­nes­centes abon­daient sur des tapis de mousses, cerné par les gratte-ciels d’une ville infernale.

Après un échange de poli­tesses inutiles et sans inté­rêt, je m’affalai à mon tour sur un pouf qui se trou­vait là et m’attelai à faire ce pour­quoi Fred me rédui­sait en esclavage.

Entre­tien :

Maître Gonzo : Vous venez de publier Exode Cos­mic – Pre­mier numéro, dis­po­nible à la vente ici, sur votre site inter­net. En tant que bon jour­na­liste, j’ai demandé à un sta­giaire col­lé­gien de le lire et de m’en faire une syn­thèse de dix lignes. Il m’a donc été rap­porté ce qui suit : « Sa déchire sa race se truk. Gé rien com­prit, mé les des­sins son super cool ! ». En consé­quence, voulez-vous bien faire vous-même une syn­thèse suc­cincte de votre ouvrage ?

Sophie Bonin : Exode Cos­mic est un maga­zine de science-fiction qui, pour ce pre­mier numéro, ne pré­sente que deux séries lit­té­raires. La pre­mière, inti­tu­lée Saran­tuya, se rat­tache au genre space-opéra dans un registre ethno-satirique. La trame nar­ra­tive ini­tiale est simple : un pro­ta­go­niste prin­ci­pal est envoyé par son peuple nomade pour trou­ver une exo­pla­nète habi­table, à bord de son vais­seau Odmo­rin ; moti­va­tion qui sera l’occasion d’aventures et de ren­contres sur­pre­nantes. La seconde, du nom d’Anthro­pol­ly­mie, est plus sombre et plus sérieuse puisqu’elle appar­tient au sous-genre de l’anticipation sur fond d’apocalypse ; dans cet uni­vers futu­riste, des humains dont les his­toires de vie vont se croi­ser, assistent à la dis­pa­ri­tion pro­gres­sive de leur espèce.
Les lec­teurs peuvent éga­le­ment avoir le plai­sir de décou­vrir quelques illus­tra­tions, dont deux ont été réa­li­sées res­pec­ti­ve­ment par Marion Per­rin et Tho­mas Baudy.

Parlez-nous un peu de vous et de… Lais­sez tom­ber : tout le monde se fiche de savoir qui vous êtes. Vous n’êtes pas célèbre ; vous n’êtes même pas quelqu’un qui aurait eu une rela­tion tumul­tueuse avec une célé­brité. Alors dites-nous sim­ple­ment ce que sus­cite en vous cette phrase de la célé­bris­sime Amé­lie Nothomb : « Est vrai ce qui est beau. Le reste est inven­tion ».
Hé bien, je sens poindre subi­te­ment une réponse vani­teuse à l’air sagace, en réac­tion à une cita­tion tout aussi pré­ten­tieuse qu’imbécile durant un entre­tien littéraire .

« Je pense qu’il n’y a pas assez de blai­reaux sur Terre. »

Je vois. Avez-vous déjà été publiée ? Le cas échéant, quel était votre édi­teur ? Êtes-vous recom­man­dée par un vrai auteur confirmé ou, à défaut, par un cri­tique lit­té­raire qui ne serait pas un ami ou un pro­fes­seur de phi­lo­so­phie d’origine ven­déenne ?
Tout à fait, j’ai été rédac­trice en chef du jour­nal Fan de You, quand j’étais en colo­nie de vacances à l’âge de quinze ans. Moi et mon équipe avions à cœur de pro­po­ser une paro­die caus­tique de ce genre de maga­zines spé­cia­le­ment conçus pour rendre les ado­les­cents attar­dés men­taux. Par la suite, je me suis dis­tin­guée dans le jour­nal L.S.D du Lycée Sonia Delau­nay en 2003 ; ma nou­velle inti­tu­lée Les aven­tures de Coin-coin le Coc­cin­nel (car c’était un mâle) a été un franc suc­cès.
Fina­le­ment, j’ai laissé mon art mûrir et ma tête se rem­plir, puis j’ai sou­mis un pre­mier recueil de nou­velles fan­tas­tiques et de poé­sies, ainsi qu’un pre­mier roman de science-fiction, à des mai­sons d’édition fran­çaises qui les ont toutes refu­sés, lorsqu’elles ont pris la peine de me répondre. Je leur en suis recon­nais­sante ; leur refus sys­té­ma­tique m’a poussé vers l’auto-publication et a per­mis la nais­sance d’Exode Cos­mic.

Fas­ci­nant. Si j’ai bien com­pris, vous avez décidé d’auto-publier vos écrits sous forme de maga­zine, après avoir recher­ché en vain un édi­teur qui aurait pu garan­tir la qua­lité lit­té­raire et com­mer­ciale de vos écrits ? Ne voyez-vous pas cela comme un signe ; le signe que vos textes sont d’une médio­crité telle que, même s’ils étaient publiés, ils pro­vo­que­raient aus­si­tôt le dédain des pauvres lec­teurs aux­quels on aurait infligé cette acca­blante épreuve ? N’aurait-il pas été plus sage, à l’instar de John Ken­nedy Toole, de vous sui­ci­der avant toute publi­ca­tion ?
Abso­lu­ment pas, figurez-vous qu’en plus d’être une auteure incon­nue donc minable, je suis dou­blée d’une tête de blaireau.

C’est ce que je vois ; pour­quoi avez-vous un blai­reau mort sur la tête ?
Il s’agit de mon ani­mal totem et il n’est pas mort [comme pour prou­ver ses dires, le blai­reau releva son museau et m’adressa un clin d’œil, ndlr]. C’est un ani­mal dis­cret que les humains accusent volon­tiers de tous les maux. Soli­taire à la pug­na­cité légen­daire, il vit pour­tant au sein d’un groupe fami­lial carac­té­risé par l’absence de domi­nant. Je pense qu’il n’y a pas assez de blai­reaux sur Terre.

C’est clair qu’une bes­tiole pleine de puces qui pue des glandes annales c’est le must des bobos bran­chés New Age. Mais bon sang, com­ment pouvez-vous croire un ins­tant que vos bou­quins seront un jour dans les rayons d’un super­mar­ché de grande dis­tri­bu­tion aux côtés de célé­bris­simes vedettes fran­çaises telles que Wer­ber, Chat­tam et autre Levy ?! Croyez-vous vrai­ment que les gens vont s’arracher votre bou­quin juste parce qu’un fan­tas­tique jour­na­liste que vous pour­riez gras­se­ment rému­né­rer, par exemple (c’est une idée, rien de plus, vrai­ment… Non ? Bon tant pis, vous l’aurez voulu !), aura fait un article extra­or­di­nai­re­ment lèche-bottes sur votre talent d’écrevisse (c’est le terme, quand on est une femme qui écrit, non) ?
Mon but n’est pas que les gens achètent mon bou­quin et encore moins d’être riche ou célèbre. Ma satis­fac­tion, outre le plai­sir que me pro­cure l’écriture, serait l’aboutissement de ma démarche de publi­ca­tion : que des per­sonnes prennent un peu de temps pour lire ce que j’écris. Alors peut-être que parmi ces lec­teurs, cer­tains seront sen­sibles à mes his­toires et à la façon dont je les raconte.
C’est l’une des rai­sons pour laquelle j’ai choisi ce for­mat sériel plu­tôt que le for­mat tra­di­tion­nel du roman, car ainsi les lec­teurs peuvent accé­der d’une manière non chro­no­phage à la lec­ture, que ce soit à un arrêt de bus, dans les toi­lettes d’un resto chic ou dans la file d’attente d’un saut à l’élastique. C’est éga­le­ment pour­quoi mes écrits sont acces­sibles gra­tui­te­ment, en ver­sion blog, sur exodecosmic.fr

« Un bon auteur de S.-F. doit être par­fai­te­ment capable de tenir, tout au long de son récit, ce dif­fi­cile équi­libre entre sérieux ques­tion­ne­ment et plai­sante distraction. »

D’après les don­nées per­son­nelles vous concer­nant que je viens d’acheter à la NSA grâce à l’action de col­lecte d’un cer­tain navi­ga­teur Inter­net, il appa­raît que vous êtes tren­te­naire, que vous exer­cez une pro­fes­sion à temps com­plet et que vous éle­vez seule un enfant en bas âge ; ne préféreriez-vous pas vous concen­trer sur votre bou­lot et votre famille plu­tôt que de perdre votre temps avec toutes vos conne­ries d’écrivain ?
Hélas non ; j’ai un devoir envers tous les Slo­vènes qui auront la joie de me lire dans cent ans, et je suis triste de ne pas pou­voir leur offrir plus de nou­velles, de romans et de poé­sies dans la mesure où le temps dont je dis­pose est très lar­ge­ment dévoré par mon emploi alimentaire.

Ne pensez-vous pas que l’aspect hété­ro­clite de vos écrits peut vous por­ter pré­ju­dice ? Vous uti­li­sez des mots obs­curs, vous pre­nez le temps de décrire les décors de vos actions avec minu­tie, vous jouez dans le même temps quelques lignes poé­tiques avant de nous faire voguer le long d’une réflexion médi­ta­tive sur la nature humaine, la vie ou la réa­lité, puis vous enchaî­nez les actions épiques et les com­bats avec des per­son­nages plus dingues les uns que les autres, en uti­li­sant des phrases courtes et dépouillées, très visuelles, qui feraient presque pen­ser à un scé­na­rio de bande des­si­née… Ne pensez-vous pas que tout ça est très rebu­tant pour les lec­teurs, et notam­ment pour une per­sonne lambda qui connaît à peine trois cents mots de voca­bu­laire, qui ne sait que rire de pro­pos sca­to­philes et qui com­prend à peine le pre­mier degré ?
Il est devenu facile et rapide de cher­cher la défi­ni­tion de mots incon­nus sur…

Ne m’interrompez pas ! Pour­quoi d’ailleurs faire de la science-fiction ? Ne savez-vous pas que ce genre est honni depuis tou­jours par le lec­to­rat fran­çais ? Les édi­tions Albin Michel ou Flam­ma­rion ont tel­le­ment honte de publier des œuvres de science-fiction qu’elles n’utilisent jamais ce terme ; tout juste arrivent-ils péni­ble­ment à leur col­ler des éti­quettes plus accep­tables telles que « dys­to­pie » ou « anti­ci­pa­tion ». Le fait est que les Fran­çais abhorrent la lit­té­ra­ture de l’imaginaire parce que ce n’est pas sérieux, c’est enfan­tin ! Ce sont les petits enfants ou les bar­jots qui rêvent de sou­coupes volantes et d’aliens.
Pour­quoi n’écrivez-vous pas plu­tôt dans un genre qui fonc­tionne auprès du lec­to­rat fran­çais, comme le roman poli­cier ou le roman réa­liste ? Ou alors, pour­quoi n’utilisez-vous pas la S.-F. pour par­tir fran­che­ment en guerre ouverte contre les tra­vers de notre société et dénon­cer le sys­tème ? Hein ?! Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?!
Il n’y a pas un « lec­to­rat fran­çais » ; ceci est une pure inven­tion du milieu édi­to­rial dans le but de sim­pli­fier leur mar­ché fic­tif. Il y a des gens, qui ont le temps et le goût de lire, et géné­ra­le­ment, par condi­tion­ne­ment ou par souci de confor­misme, ces gens ne sont pas fami­liers du genre science-fictif qu’ils peuvent effec­ti­ve­ment mépri­ser par mécon­nais­sance. Puis il y a des gens qui, à cause de leur vie d’adulte, n’ont pas le temps, mais qui conservent le goût de lire et qui lisent ainsi ce que les mai­sons d’édition pos­sé­dant les moyens d’une cam­pagne publi­ci­taire leur indiquent de lire.
En vérité, ceux qui inventent cette fic­tion du « lec­to­rat fran­çais » n’ont pas changé depuis le temps où Bar­ja­vel, dans un entre­tien avec lui-même[1], indi­quait que la science-fiction était bien supé­rieure au roman moderne, car la science-fiction n’est pas un genre, mais tous les genres et tous les registres réunis. C’est pour cette rai­son que mes his­toires vous paraissent hété­ro­clites. Vous me voyez par ailleurs ravie de cette ana­lyse, car elle signi­fie que j’ai cor­rec­te­ment uti­lisé le genre S.-F. dans ce qu’il per­met de mieux.
Plus encore, la science-fiction comme la lit­té­ra­ture de l’imaginaire portent en elles une réelle dimen­sion phi­lo­so­phique pour qui est capable d’aller plus loin que l’apparent divertissement.

Pour autant, un bon roman de S.-F. ne doit pas être un tract poli­tique et je pense qu’il y a une forme de condes­cen­dance gros­sière de plus en plus insup­por­table de la part de cer­tains auteurs dont la suf­fi­sance les poussent à vou­loir mora­li­ser des lec­teurs qui sont par­fai­te­ment au fait des tra­vers de la société pour les subir mal­gré eux au quo­ti­dien. Si la remise en ques­tion de tout ou par­tie de notre société est impor­tante dans les arts en géné­ral, je la pré­fère sub­tile et adroite, ame­nant fine­ment le lec­teur à trou­ver des réponses par lui-même sans que cette réflexion n’entache le plai­sir du diver­tis­se­ment. À mon sens, un bon auteur de S.-F. doit être par­fai­te­ment capable de tenir, tout au long de son récit, ce dif­fi­cile équi­libre entre sérieux ques­tion­ne­ment et plai­sante distraction.

« Avec Exode Cos­mic, vous avez l’assurance du fait main par un humain à l’intelligence faillible et limitée. »

 Sophie, quand on vous lit, on ne peut que se deman­der où diable allez-vous cher­cher toutes vos idées : n’avez-vous jamais pensé à consul­ter un spé­cia­liste pour soi­gner vos déli­rantes divagations ?

Enfant, je racon­tais à mes petits cama­rades de pri­maire que j’étais une extra­ter­restre venue d’une pla­nète éloi­gnée domi­née par une reine fourmi géante ; que moi et ma famille avions la capa­cité de nous trans­for­mer en loup et que nous avions été envoyés sur Terre pour contrer l’invasion de robots-tueurs qui pre­naient une appa­rence humaine pour mieux se fondre dans la masse et mener à bien leur mis­sion en toute dis­cré­tion. Aux yeux de mes petits cama­rades, je don­nais corps à la paro­no­mase, car Sophie était Folie. Je savais bien que ce que je racon­tais n’était que des his­toires, mais ça me plai­sait de les ima­gi­ner ; la vie deve­nait sou­dai­ne­ment une épo­pée for­mi­dable et peut-être que, grâce à elles, l’existence per­dait momen­ta­né­ment son non-sens effrayant…
Je pense que l’humain a un besoin vis­cé­ral d’arts et d’histoires et vous en seriez peut-être convaincu, vous aussi, si vous aviez lu le pre­mier numéro d’Exode Cos­mic.

La faute d’orthographe p. 67, deuxième para­graphe, der­nière ligne, avec un accord au sin­gu­lier pour un groupe nomi­nal au plu­riel ; ainsi que la faute de frappe p. 37 avec « au pro­je­tant » au lieu de « en pro­je­tant » ; ainsi que toutes les autres fautes d’orthographe qui se trouvent très cer­tai­ne­ment tapies dans les pages de ce bou­quin que je n’ai pas lu, cela ne vous gêne pas ?
Bien sûr que si ; elles m’horripilent ! Mais que voulez-vous que j’y fasse main­te­nant, il est trop tard… Fina­le­ment, je me dis qu’elles consti­tuent la preuve de l’authenticité de mon récit : celui-ci n’a pas pu être rédigé par une intel­li­gence arti­fi­cielle. Avec Exode Cos­mic, vous avez l’assurance du fait main par un humain à l’intelligence faillible et limitée.

Quelle est la créa­ture grenouille-silure bipède que j’ai croi­sée en venant ici et que veut dire « taka­los » ?
Il s’agit d’un alma­di­pode, sûre­ment Boêt ou bien Oûros. Ne cher­chez pas à com­prendre ; ces créa­tures n’apparaîtront pas, avec tant d’autres, avant l’ère de Gezoion qui sui­vra Anthropollymie…

Si vous étiez aussi riche que Ber­nard Arnault, qu’achèteriez-vous ?
Hum… Vous vou­lez dire si ma for­tune était esti­mée à quelques cent mil­liards d’euros ? Hé bien, je suis ten­tée de dire que je rem­pli­rais une pis­cine de billets de banque juste pour avoir le sen­ti­ment gri­sant d’être un vieux canard cupide et égoïste. Ou bien que j’achèterais un fau­teuil pivo­tant sur lequel je pour­rais cares­ser mon chat avec mon gant en fer hérissé de pointes, tout en riant dia­bo­li­que­ment des misé­rables tra­vailleurs que j’aurais spo­liés et dont les images me par­vien­draient via les camé­ras de sur­veillance que j’aurais ins­tal­lées sur toute la pla­nète sous cou­vert de sécu­rité. Mais, soyons réa­liste, j’achèterais d’abord ce qu’un bon multi-milliardaire se doit d’acheter : des médias et des politiciens.

Quels seraient vos der­niers mots avant de mou­rir ?
 J’espère que ça sera : « Devine qui a gagné le droit de conduire la pre­mière sou­coupe volante de tous les temps ? », mais il y a plus de chance que mes der­niers mots soient quelque chose comme : « D’accord, je vais goû­ter à ton pro­duit indus­triel de merde que tout le monde est censé adoré », ou autre « Si j’ai une bonne mutuelle et un flingue pour retour­ner dans ma ban­lieue pari­sienne natale ?? Hé c’est bon, on n’est pas aux States ici ! ».

Entre­tien réa­lisé par Maître Gonzo, double malé­fique de Sophie Bonin, le 13 novembre 2019 pour lelitteraire.com


[1]. Auto-Interview de René Bar­ja­vel, in Les Nou­velles Lit­té­raires du 11 octobre 1962.

 

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