Métaphysique drôle et puissante
Philippe Katerine après Le film (programmatique et conceptuel) continue à faire des albums comme personne. Ce nouvel album semble partir dans tous les sens avec un appel à la détente et un sens absolu de l’absurde le plus intelligent. L’objectif est de séduire par l’ironie et le malaise. L’imprécateur doux s’attaque à ce que les grands penseurs ignorent depuis leur naissance qui croient que tout est né sens.
Le non sens de Philippe Katerine est là pour jeter le trouble face aux mots des raisonneurs qui ne sont que des farceurs.
Le créateur mélange tout : la Libération comme les verts paradis de l’enfance. Ils prennent un caractère effrayant lorsque cela est nécessaire. Car tout est possible avec Philippe Katerine dans ses insurrections audacieuses drôles, mouvantes et émouvantes. La douceur cache une complexité pleine d’inventions musicales à coup de carambolages. L’intensité est là.
Le monde y rentre avec ambition là où le chaos du monde pénètre. Le “No comprendo” des Rita Mitsouko est dépassé. Et Philippe Katerine invite un aéropage de guest stars pour appuyer ses confessions — plus ou moins masquées. Elles osent tout jusqu’à rattraper des bouts de signifiants comme celui d’une homosexualité refoulée.
Le créateur prouve ainsi qu’on ne peut pas dire n’importe quoi mais qu’il faut le dire loin des normes et des idéaux en le laissant jaillir de l’inconscient (qui sait tout) sans pudeur. Avec sur la pochette de l’album son nez en forme de trompe, de sexe ou de Pinocchio, l’artiste feint de jouer les farceurs là où Macron prend — au passage — une gifle et où J. Hallyday (père putatif) est évoqué de manière humoristique.
Le nom du père est remplacé par le non dupe du “pair” qui ne perd rien pour attendre.
Le sexe est traité de la même façon et avec crudité. Tout est décalé : paroles bien sûr. Mais la musique idem. Et c’est passionnant là où tout dérive entre ouverture au monde et intimité, entre mentalisation et affect liés dans une poésie étrange et paradoxalement proche là où Angèle voisine avec Gérard Depardieu et Oxmo Puccino.
L’album est extraordinaire par son discours d’un “autre” que le “même” confesse. Les deux sont aussi réels et imaginaires l’un que l’autre. Le politique n’est jamais loin mais à mille lieux de sa langue de bois. Lacan non plus comme par exemple lorsque l’artiste, dans ses feintes d’ânonnements, décrit son matériel reproducteur. Il est soumis à bien des interprétations langagières.
Et c’est là où, paradoxalement, l’absurde comme le physique virent facilement à une métaphysique drôle et puissante.
jean-paul gavard-perret
Philippe Katerine, Confessions, Wagram, 2019.
Création et intelligence en Absurdie, sans oublier l’humour et la délicate provocation. Jus d’orange bleu acidulé!