Pour ce premier recueil, Anna Ayanoglou a clairement choisi l’ordre de l’écharpe pour envelopper des émotions et sensations vibrantes. Dérivant vers une Europe Baltique suite à un effacement de l’amour, la poétesse crée un double travail sur la rencontre et l’espace, une interrogation aussi sur le temps, aux frontières d’une reprise entre le différé et le présent, le partage et son impossibilité puisque tout se réduit à une série de silhouettes à l’identique.
Mais, pour autant, il n’est pas question pour elle de cultiver la nostalgie : le « piquant de jadis» n’est pas de son fait même si elle en retient une subtile sapience. Et plutôt que de relever des décombres, Anna Ayanoglou donne libre cours à l’émotion de l’instant pour les ébranlements profonds qu’elle suscite.
Cette captation est des plus pertinentes là où parfois villes et jardins, plus que le jour, donnent sinon la nuit du moins une forme de pénombre, un espace entre chien et loup.
L’égarée y retrouve ses marques et un fil sinon perdu du moins cassé dans l’apprentissage de ce qui est par ce qui fut.
C’est un moyen de cultiver l’abandon nécessaire pour entreprendre l’éveil des futures amours.
jean-paul gavard-perret
Anna Ayanoglou, Le fil des traversées, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2019.