Thomas Schlesser, Faire rêver — De l’art des Lumières au cauchemar publicitaire

Une nudité coupable

La trans­gres­sion et la sub­ver­sion sont des concepts qui res­tent inopé­rants même lorsqu’il s’agit d’évoquer les créa­teurs de rêves. Et ce, du XVIIIème siècle à aujourd’hui — période qu’embrasse le livre de Schles­ser. Si bien que l’injonction de Beckett “ima­gi­na­tion morte, ima­gi­nez, ima­gi­nez encore” semble la for­mule magique de ceux qui se contentent de suivre l’idéologie et de la ser­vir pour asser­vir les gogos de tout aca­bit.
Plu­tôt que d’introduire du leurre dans le leurre et d’ouvrir le monde par le rêve, bien des créa­teurs n’enfreignent rien et ne prennent pas de risques. “L’âme à tiers” (Lacan) qu’ils concoctent ne recèle que des formes grasses.

Dès lors, sous son appa­rence, le rêve n’est fait trop sou­vent que de natures mortes, por­traits et pay­sages sans la moindre mons­tra­tion du « monstre ». Et, sous leur faix, l’intimité exhi­bée n’est qu’une nudité cou­pable (“ nudi­tas cri­mi­na­lis ”) même lorsque l’hygiénisme des publi­ci­tés tient lieu d’hédonisme.
Le lan­gage du rêve est donc sou­vent un piège. Schles­ser l’affronte en mon­trant com­ment les créa­teurs même les plus mys­tiques ou les plus éro­tiques ne sont que de sinistres cyniques.

Sans “l’inannulable moindre” (Beckett) qui résiste à la règle, pas la moindre note pour un oiseau. Tout se coa­gule en une glue.
L’auteur rap­pelle donc que, sous le rêve, se cache du modé­lisme et du clien­té­lisme programmés.

jean-paul gavard-perret

Tho­mas Schles­ser, Faire rêver — De l’art des Lumières au cau­che­mar publi­ci­taire, Gal­li­mard, coll. Arts et Artistes, Paris, 2019, 336 p. — 28,00 €.

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