Une bacchanale graphique en noir et blanc
Un appareil décolle d’un porte-avion. Le pilote croise un immense rapace nocturne qui disparaît dans la chambre de Lucio quand celui-ci se réveille.
Lucia a le sentiment que son corps, chaque nuit, se transforme en un prédateur affamé. Mais elle ne peut en avoir la certitude qu’avec un témoin. Elle séduit un jeune homme dans une boîte de nuit. Soudain, alors qu’ils s’embrassent dehors, sur un banc, elle entend un bruit, le même que celui qui a résulté du tour de magie effectué par Duc Mille-pattes quand elle a servi de cobaye avec un garçon qui s’appelle Lucio. C’est dans les coulisses, le tour réussi, que le magicien leur révèle : «… c’est tout l’inverse… Je transforme des oiseaux en humains. »
C’est ainsi que le corps de Lucia et celui de Lucio sont des portes qui permettent à des oiseaux de prendre forme humaine. Ils sont alors sous l’emprise de cet oiseau qui, par la magie, veut faire venir le vice-roi dans ce monde. Pour cela, entre autres, il lui faut un nouveau-né…
En sept chapitres, Salvador Sanz développe un conte fantastique, un complot pour donner aux rapaces nocturnes les clés de la Terre. Le sujet, en soi, est déjà fantastique, mais l’auteur ajoute une dose en intégrant une large part de magie. Autour de son couple de héros, le scénariste installe une galerie de personnages secondaires dont le rôle reste minimaliste. Il met en scène, surtout, le couple qui développe une histoire sentimentale, amoureuse et forte mais qui doit composer avec la malédiction qui les frappe.
Un élément important reste ce magicien, figure maléfique de l’histoire. Le scénario, assez classique dans son déroulement, vaut surtout dans le choix de ces prédateurs, des oiseaux qui ont peu souvent les honneurs d’une mise en avant et pour son traitement graphique.
En noir et blanc, les dessins de Salvador Sanz sont époustouflants. Il aligne des pages inaccoutumées par la recherche des attitudes, le traitement des mutations, la distorsion des corps, tant celui des humains que celui des oiseaux. Il restitue l’ambiance de son univers onirique, alternant rêves et cauchemars, mettant en scène des mutations, des nidifications, comparant ces vols de rapaces à ceux de chasseurs, de missiles.
Il joue avec les perspectives, réalise des vues d’ensemble, des vues plongeantes peu communes.
Avec Vertiges nocturnes, Salvador Sanz fait preuve de son indéniable talent de graphiste mettant en images une histoire cauchemardesque à l’envi.
serge perraud
Salvador Sanz, Vertiges nocturnes (Migrador Nocturno), traduction d’Eloïse de la Maison, Glénat, coll. “Hors collection”, mars 2019, 144 p. – 19,95 €.
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