Dans Glasgow sombre à souhait…
À la fin des années 1960, Glasgow est en mutation. La grande époque de l’industrie lourde triomphante est loin. Les quartiers évoluent, des immeubles vétustes sont démolis un peu partout. En quelques mois, trois femmes sont retrouvées violées et étranglées. Elles sont allées danser. Elles ont rencontré un homme que le seul témoin vivant décrit comme quelqu’un bien de sa personne. Les services de police piétinent. Si des suspects sont arrêtés, aucun n’est le coupable.
Une campagne d’affichage du portrait-robot ne porte pas ses fruits bien que nombre d’hommes soient ressemblants. D’ailleurs, la police est obligée d’attribuer des cartes à ceux qui correspondent au signalement : “Je certifie que le possesseur de cette carte n’est pas le Quaker.” Quaker est le nom qui a été attribué à l’assassin.
L’inspecteur Duncan McCormack est chargé de réaliser un audit de l’enquête. De la brigade volante de la police judiciaire, il part pour la salle des homicides du commissariat de The marine. Sur place, l’atmosphère est lourde car son arrivée n’est pas la bienvenue. Il est perçu comme un ennemi. Il obéit aux ordres bien que sa traque soit plutôt orientée vers John McGlashan, le chef des gangs de la ville.
Alex Paton est un perceur de coffres forts réputé. Un ami d’enfance fait appel à lui pour le cambriolage d’une salle des ventes où seront enfermées les précieuses pièces la veille des enchères. Mais McCormack a été impliqué dans l’enquête sur le premier meurtre. Rien ne semble unir les trois meurtres. Cependant, peu à peu, des indices se révèlent. Mais tous vivent dans la crainte de découvrir un quatrième cadavre.
La ville de Glasgow occupe une place importante dans le récit de Liam McIlvanney. Il en fait un élément déclencheur de son intrigue et en fait explorer les bas-fonds. Il fait état des liens troubles entretenus entre la police et la presse, cette dernière pouvant calmer ou effaroucher les politiques selon la teneur des articles. Le romancier donne la parole aux victimes qui racontent ce qu’elles ont vécu, comment elles se sont placées dans la situation qui les a amenées à mourir. Il donne même leurs sentiments de trépassées.
McIlvanney met en scène quelques personnages touchants dans leur obstination, dans cette quête sans fin pour essayer de faire régner une certaine justice. Mais il décrit des policiers à la limite de la légalité, des truands avec un certain code d’honneur. Il brosse des portraits sans fards d’un monde douteux, décrit des flics blasés, des prostituées, des mères célibataires, des truands de petite envergure, des indics… Tous ces personnages qui gravitent dans les mêmes lieux vont se croiser, s’affronter, tenter de survivre pour certains.
Le quaker, qui peut se traduire comme Trembleur, désigne d’abord un membre d’une communauté religieuse, un courant très répandue en Ecosse et aux USA. Ce terme viendrait d’un juge à qui le fondateur de cette secte expliquait qu’il fallait trembler au nom du Seigneur. Le romancier installe une ambiance lourde, livre des détails difficiles et met en musique une intrigue tortueuse entre guerre des polices, truands des bas-fonds de la ville, ce “Moriarty” écossais et ce tueur insaisissable.
Un récit mené au rythme d’une enquête avec toutes les recherches du moindre indice jusqu’à une conclusion époustouflante.
serge perraud
Liam McIlvanney, Le Quaker (The Quaker), traduit de l’anglais (Écosse) par David Fauquemberg, Métailié Noir, coll. “Bibliothèque écossaise”, octobre 2019, 416 p. – 22,00 €.