Chaque individu n’est-il pas porteur de secrets ?
Gray Godfrey angoisse dans la voiture à la perspective de passer Noël chez sa mère, Joanna King. C’est Paul, son mari, qui a insisté. Il retrouve chez sa belle-mère la mère qui lui fait défaut. Il espère aussi qu’elle jouera de son influence pour aider ses ambitions politiques. En arrivant à Elizabeth, Gray se crispe encore plus en voyant le portrait de son cousin sur une vieille affiche. Gray est alcoolique. Elle sait qu’elle ne pourra pas boire autant qu’elle voudrait et la maison familiale ravive de mauvais souvenirs. Pourtant, elle est heureuse de retrouver Charlotte, sa sœur divorcée et ses jumeaux.
Nina Palmer, inspectrice de police à Elizabeth, prend soin de sa tante Tilda mourante.. Ouvrant le courrier, elle trouve un chèque de 1 000 dollars signé par Joanna King, portant la mention : Indemnité. Tilda a travaillé plusieurs décennies, traitée comme une esclave, jusqu’au jour où ayant caché un dictaphone dans sa poche, elle apporte le plateau-repas à Seamus King, député, candidat à la présidence.
Annie sait que Paul est revenu à Elizabeth pour la tuer. Contre son gré, Gray est entraînée à la messe de Noël. C’est en sortant qu’une ancienne camarade d’école invite les deux sœurs à retrouver des anciens au pub. Gray accepte car elle va pouvoir boire et elle ne s’en prive pas. En dansant avec son ex-petit ami, elle se laisse embrasser alors que Paul surgit. Gray se réveille dans son lit le lendemain. Elle pense que Paul l’a ramenée puis couchée car elle ne se souvient de rien. Paul est absent. C’est la police qui repère sa voiture de location abandonnée.
Annie envoie un message à Gray. Nina est chargée de l’enquête car Paul reste introuvable…
La narration passe par les récits de Gray et de Nina sauf quelques rares et brèves interventions d’Annie. Le romancier place son intrigue dans un milieu aisé, une famille influente dans cette Caroline du sud où règnent les marais et un fort relent d’esclavagisme. Gray, l’héroïne, est alcoolique. P.J. Vernon décrit de belle manière son addiction, ce besoin irrépressible de boire pour se sentir mieux, pour effacer les doutes, minimiser, gommer les ennuis. Il raconte l’état d’esprit, la déshydratation, les ruses utilisées pour boire, l’alcool blanc dans des bouteilles d’eau minérale, les excuses pour s’absenter et retrouver les bouteilles cachées, les verres avalés à la va-vite, les ersatz quand il n’y a rien d’autre de disponible.
Nina Palmer est l’autre personnage important, celle qui, par sa tante, a des contacts avec la famille King, presque des liens de dépendance entre cette famille influente et elle, noire, inspectrice de police. Elle hésite à entrer en contact avec eux, une crainte de petite fille par rapport à cette aura de notoriété. Elle réussira à vaincre cette retenue pour mener son enquête et mettre au jour les lourds secrets de cette famille pour qui la respectabilité justifie presque tout.
Et, peu à peu, le passé se dévoile, comme ces traumatismes causés par des événements qu’il a fallu cacher pour ne pas entacher la réputation du grand homme. Pour l’auteur, personne n’est innocent, tous les acteurs du drame portent des secrets, que ce soit Paul, Tilda, Joanna, Charlotte et même Gray.
Avec une galerie de personnages bien campés, une intrigue jouant sur des ressorts psychologiques et pathologiques, Une certaine Annie se laisse découvrir avec plaisir.
serge perraud
P.J. Vernon, Une certaine Annie (When You Find Me), traduit de l’anglais (États-Unis) par Ombeline Marchon, Éditions de La Martinière, septembre 2019, 400 p. – 22,00 €.
Pingback: #PartageTaVeille | 16/10/2019 – Les miscellanées d'Usva