Charles Willeford, La Différence

Un jeune cow-boy lutte contre l’omnipotence de pro­prié­taires ter­riens, jusqu’au jour où il com­met un meurtre et qu’il doit fuir.

Le wes­tern est un genre peu en vue actuel­le­ment. Il est loin le temps où les édi­tions du Masque avaient une col­lec­tion spé­cia­li­sée aux plus de 180 titres et où œuvraient des auteurs renom­més tels Ray Hogan, Tom West ou le mul­ti­carte Frank Gru­ber. La mode semble pas­sée, les thèmes obso­lètes. Et pour­tant, cer­tains auteurs amé­ri­cains font sur­vivre le mythe avec brio. Wes­tern rime aujourd’hui avec Elmore Leo­nard, publié lui aussi par les édi­tions Rivages. Mais il n’est pas seul. De temps en temps, Charles Wille­ford y va de sa plume.

Dans le Grand Ouest, la terre appar­tient aux plus forts. Aux riches. Ceux-ci se sont appro­priés les meilleurs espaces et pensent que cela ne peut être remis en ques­tion. Quand le père de Johnny Shaw achète un ter­rain et bâtit une mai­son, c’est un tollé. Quand il meurt et que Johnny revient s’installer à un endroit convoité par son meilleur ami qui veut se marier, un des fils Rear­don, il se retrouve véri­table paria. Per­sonne pour le faire tra­vailler. Ses modestes éco­no­mies fondent comme neige au soleil, et les pro­vo­ca­tions s’accumulent jusqu’au jour où Jonnhy des­cend Onyx Rear­don. Il devient hors-la-loi avec un shé­rif à la botte du ranch Rear­don. Dans sa caval­cade vers la fron­tière mexi­caine et un ami de son père, il ren­contre un maréchal-ferrant, ancien pis­to­lero qui lui apprend le tir, les astuces, et lui remet un revol­ver à la crosse aux mul­tiples entailles. Johnny veut se battre pour faire valoir ses droits. La parano s’installe à mesure que ce gamin de dix-neuf ans, imma­ture et véri­table feu fol­let qui se fait une spé­cia­lité de ver­ser de l’huile sur le feu, agit envers et contre tout. À l’aube de ses vingt ans, Johnny aura un tableau de chasse équi­valent à celui de son tueur à gages de men­tor et s’enfermera dans un cercle des plus vicieux, pour être plus lone­some que jamais.

Le per­son­nage de Johnny dépeint par Charles Wille­ford est tout sauf sym­pa­thique et met à mal, si besoin en était encore, le mythe du gen­til cow-boy. Si, au début, on s’attache à ce gar­çon et que l’on per­çoit tout ce qu’il a de com­plexe et d’écorché, si au début, on com­prend qu’il est vic­time de ces ran­che­ros qui se croient tout per­mis, on découvre, petit à petit, un être men­teur dont la fureur dépasse l’entendement, un être à la colère sourde qui ne peut plus se jugu­ler, dédai­gneux au pos­sible, haïs­sable à sou­hait quand il s’entraîne ( !) à tuer un vieil Indien qui attend patiem­ment la mort, et qu’il sou­rit à l’idée que lorsque les autres vien­dront pour l’enterrer, ils ne le trou­ve­ront pas et seront désem­pa­rés. Son carac­tère est une véri­table énigme, pour ses enne­mis comme pour ceux qui auraient pu être ses amis s’il ne s’évertuait pas, tel un maso­chiste de pre­mière, à aug­men­ter le trou­peau des gens qui lui en veulent à mort. Johnny ne cherche pas d’amis. Il semble se com­plaire dans une soli­tude for­ce­née où il ne trou­vera jamais le repos, si ce n’est celui qui est éter­nel, le jour où il trou­vera plus malin que lui et qu’il se pren­dra une balle dans la peau.
Charles Wille­ford, avec La Dif­fé­rence, fait encore une fois éta­lage de sa classe. Il nous montre un carac­tère sur­pre­nant aux mul­tiples facettes dans un roman très visuel, qui pour­rait être un wes­tern de John Ford avec un John Wayne jeune, sans les jeans trop courts, qui finit par s’en aller sur les pistes arides d’El Paso avec pour seuls amis un che­val et un colt.

julien védrenne

   
 

Charles Wille­ford, La Dif­fé­rence (tra­duit de l’américain par Mar­lène Bou­dil), Rivages coll. “noir” (n° 626), octobre 2006, 197 p. — 7,50 €.

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