Une nouvelle enquête de la commissaire Marion, sans elle…
La commissaire divisionnaire Edwige Marion dirige la Brigade des chemins de fer de la gare du Nord. Elle a rendez-vous avec un indic, un rendez-vous qui met tous ses signaux en rouge. Dans le poste d’aiguillage désaffecté, elle prend une balle dans la tête. Le drame fait l’effet d’un tsunami dans la Brigade quand il est découvert.
Depuis quinze jours il pleut et les perturbations se renforcent. Anne Morin, préfète, dirige les opérations depuis le PC de crise de la zone de défense de Paris.
Valentine Cara et Luc Abadie se précipitent, buttent dans l’adjoint de Marion, le commissaire Amaury Guerry des Croix du Marteroy appelé Guerry– etc. Sur les lieux, le médecin du SAMU communique son diagnostic, une Glasgow 3, un coma très profond. Marion est emmenée à la Pitié-Salpêtrière.
Valentine veut voir la scène malgré l’hostilité de l’OPJ de la Crim. Elle est choquée par la silhouette du corps de Marion, examine le cadavre qui est resté dans le local et remarque, dans sa main repliée, un éclat blanc. Subrepticement, elle s’en empare contre toutes les règles de déontologie.
La situation empire dans Paris menacé par une crue d’une ampleur exceptionnelle. À la Pitié-Salpêtrière qu’il faut évacuer, le sort de Marion, compte tenu de son état très grave n’est pas une priorité malgré l’insistance de Pierre Mohica, son compagnon, par ailleurs médecin ORL. Valentine a reconnu, bien qu’elle affirme le contraire au commandant avec qui elle a partagé sa vie il y a quelques années, le cadavre dans le poste d’aiguillage.
La crue s’amplifie, désorganisant pratiquement tous les services publics et privés. Et dans ce contexte, le corps de Marion disparaît… Et, sous la poussée des eaux, plusieurs corps, momifiés récemment, sortent d’une salle souterraine du musée de l’Homme…
Edwige Marion est bien en peine de mener l’enquête la concernant. Ce sont ses proches, ceux de sa “famille” qui s’activent dans des conditions rendues fort difficiles par les conditions climatiques et le stress lié à l’incertitude quant à sa survie. Les événements se multiplient à un rythme très soutenu touchant directement ou indirectement les principaux protagonistes du drame.
La romancière met en œuvre plusieurs intrigues autour de deux axes principaux, celui qui découle de la tentative d’assassinat sur la commissaire et celui qui menace la capitale entraînant des difficultés telles que des procédures, des actions ne peuvent être menées dans les règles, générant des situations de crise supplémentaires. Elle brosse avec précision, d’une façon très documentée, tout ce qu’implique cette crue, les actions à mener pour contrer une telle catastrophe et en minimiser les effets, les dommages. Elle montre tous les secteurs concernés, même certains dont on pourrait penser qu’ils en sont bien éloignés, le travail sur le terrain mené par des centaines de personnes luttant pied à pied contre les eaux. Régulièrement, dans l’histoire, des crues légendaires ont ravagé la région parisienne. La dernière, d’une telle ampleur, s’est déroulée en 1910. Avec en toile de fond cette crue centennale qui menace toute la région parisienne, Thiéry propose un magnifique récit.
Elle décrit avec à-propos et finesse les rapports entre les membres d’un groupe, les liens qui se tissent consciemment ou inconsciemment pour peu que le groupe soit soudé autour d’un noyau charismatique. Elle fait une belle analyse des comportements quand les règles sociales changent ou sont menacées, faisant dire par ses personnages quelques propos peu amènes sur la Crim : “…elle est foutue. Bras armé de la magistrature selon certains, larbin des juges pour d’autres. Bouffée impitoyablement par les gendarmes…“
La romancière brocarde les services de l’État et leur verticalité, la bureaucratie et sa profusion de rapports, estimant que la présente enquête aurait pu générer une pile de documents de deux mètres de hauteur. Fort de cette déclaration, Danielle Thiéry offre une conclusion sous forme d’une suite de ces dits rapports qu’elle moque. Mais ceux-ci, du fait de l’auteure, éclairent parfaitement une sombre affaire aux ramifications insoupçonnables.
Avec Crimes de Seine, Danielle Thiéry signe une belle réussite romanesque.
serge perraud
Danielle Thiéry, Crimes de Seine, J’ai Lu, coll. “Thriller” n° 12133, mai 2019, 512 p. – 8,20 €.