Dominique Sylvain, Manta corridor

Plon­gez dans la Seine en com­pa­gnie d’Ingrid Die­sel et de Lola Jost, les détec­tives du Pas­sage du Désir.

Ingrid Die­sel a le cafard. Depuis qu’elle a été virée de son caba­ret pré­féré où elle était strip-teaseuse, elle déses­père un peu. Et ce n’est pas avec son cabi­net de mas­sage, pas­sage Brady, qu’elle va oublier ses désen­chan­te­ments du moment. Pour cela, il n’y a qu’une solu­tion. Embar­quer Lola Jost loin de ses puzzles et sur une enquête par­ti­cu­lière. Lola, c’est une ancienne com­mis­saire que tous ses col­lègues regrettent. D’autant que son suc­ces­seur est loin d’avoir sa légè­reté d’esprit. Donc, s’il faut fou­ler ses plates-bandes, pour­quoi pas. Même si Ingrid est une bar­bare de la langue fran­çaise. Car Lola, niveau cita­tion, c’est un mélange de Jean d’Ormesson et de Fabrice Lucchini.

Aux Fée­ries de Dakar, Lady Mba s’inquiète de la dis­pa­ri­tion de son sham­poui­neur atti­tré, Louis Manta, per­sonne secrète et qu’elle emploie au noir. Louis n’a aucune attache appa­rente mais a, semble-t-il, été un plon­geur émé­rite, loin, au large de l’Indonésie. Et quitte à plon­ger dans un mer­dier sans nom, Ingrid et Lola vont aller patau­ger à la bri­gade flu­viale où sur­nage le téné­breux com­man­dant Jacques Brière qui aime­rait bien que ces deux empê­cheuses de tour­ner en rond lui lâchent un peu les palmes. Mais c’est comp­ter sans leur pug­na­cité légen­daire. Ingrid et Lola, dès qu’elles se sentent des bâtons dans les roues, redé­marrent de plus belle. Et Maxime Duchamp, le gérant des Belles, a tou­jours un vin du Jura à débou­cher alors qu’en plus d’enquêter, nos deux inves­ti­ga­trices plus vrai­ment en herbe, en apprennent un peu plus sur la plon­gée sous-marine et les superbes raies que l’on peut ren­con­trer dans un océan qui n’a de Paci­fique que le nom et qui a vu des évé­ne­ments san­glants s’y dérou­ler entre 1941 et 1945, avec en point d’orgue la bataille de Mid­way. Mais si le passé est englouti à Manta cor­ri­dor, le pré­sent est dans les eaux glauques de la Seine.

Il y a chez Domi­nique Syl­vain un petit je-ne-sais-quoi qui tient d’un héri­tage de la lit­té­ra­ture asia­tique. Et pas seule­ment parce qu’elle vit au Japon. Par l’atmosphère qui se dégage de son Pas­sage du Désir, on ne peut s’empêcher de son­ger à une cour du Petit-Bercail dans le Pékin de Lao She et de ses Quatre géné­ra­tions sous un même toit. Domi­nique Syl­vain réus­sit un tour de force assez impres­sion­nant. Elle nous pro­pose aux côtés de ses deux héroïnes de chic et de choc toute une palette de per­son­nages ordi­naires qui deviennent extra­or­di­naires sous sa plume. Et là est le prin­ci­pal attrait de ses romans. Elle nous montre que nous pou­vons tous être extra­or­di­naires si tant est que nous nous en don­nions la peine, et sur­tout si nous appre­nons à connaître ceux qui nous entourent, car l’exceptionnel crée ou attire l’exceptionnel. Ainsi, Maxime, des Belles de jour… ou Lady Mba des Fée­ries de Dakar, per­son­nages que l’on rêve­rait de ren­con­trer, sont peut-être, sûre­ment, dans notre rue. Alors, à leurs côtés, il sera tou­jours temps d’inventer sa propre phi­lo­so­phie de la vie car Le guer­rier qui sait y faire attrape la poule par la patte et le singe par la cervelle.

Lire les chro­niques consa­crées aux deux tomes pré­cé­dents des aven­tures d’Ingrid Die­sel et Lola Jost (parus tous deux aux édi­tions Viviane Hamy), Pas­sage du Désir et La Fille du samou­raï

julien védrenne

   
 

Domi­nique Syl­vain, Manta cor­ri­dor, Viviane Hamy coll. “Che­mins noc­turnes”, mars 2006, 258 p. — 16,00 €.

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