Marine Carteron, Dix

 Un petit groupe, sur une terre iso­lée…

Quoi de mieux qu’un huis clos pour faire émer­ger les frus­tra­tions, les ran­cœurs, tous les res­sen­ti­ments ? Bien sûr, la réunion de dix per­son­nages sur une île déserte amène à faire un rap­pro­che­ment que Marine Car­te­ron assume tota­le­ment, n’hésitant pas à faire réfé­rence au fameux roman d’Agatha Chris­tie.
L’institution Sainte-Scholastique a été rete­nue pour four­nir les can­di­dats d’une nou­velle émis­sion de télé réa­lité, un Escape Game lit­té­raire. Elle réunit sept ado­les­cents aux pro­fils bien dif­fé­ren­ciés mais cepen­dant conformes aux stan­dards de ce type de diver­tis­se­ment. Ils sont enca­drés par trois adultes, un ex-commissaire chargé de la sécu­rité, une ex-infirmière au passé lourd en tra­fics et une pro­fes­seure de lit­té­ra­ture por­tée sur l’alcool, qui se trouve être la mère d’un candidat.

Le groupe des ado­les­cents se com­pose de Debo­rah et de Tyron, des jumeaux. Elle est une beauté exo­tique fra­gile, lui un colosse par­ti­cu­liè­re­ment doué en lit­té­ra­ture. Carie est la bimbo de ser­vice alors que Mar­gaux, cham­pionne de plon­geons, repré­sente les spor­tifs. Claude est le “beau gosse” de la bande, star enfan­tine déchue qui voit dans cette émis­sion l’occasion de relan­cer sa “car­rière”. Simon, outre sa grande taille n’a pas de par­ti­cu­la­rité mar­quante sauf à être amou­reux de Carie et Eliot, le sur­doué, n’a que treize ans.
Quand ils partent par le train, tous ignorent leur des­ti­na­tion. Celle-ci se révèle être une île bre­tonne très peu fré­quen­tée. Cha­cun porte des fêlures, des cas­sures, des failles. Cer­tains sont trau­ma­ti­sés par des évé­ne­ments tra­giques récents, d’autres vivent des rela­tions ambi­guës, des échecs.
Mais pour­quoi le direc­teur de l’institution a-t-il été assas­siné d’une balle à bout tou­chant dans la nuque ?

Jouant habi­le­ment entre évé­ne­ments pré­sents et pas­sés, l’auteure tisse une his­toire retorse et mul­ti­plie les moti­va­tions qui animent ses per­son­nages, cha­cun ayant des rai­sons d’en vou­loir à d’autres si ce n’est à lui-même. Aussi, quand l’un d’eux meurt, semble-t-il, dans un acci­dent, la méca­nique impla­cable ima­gi­née par la roman­cière se met en marche et com­mence à broyer les indi­vi­dus. Qui donc est à l’origine de défer­le­ment de pas­sions et qui pilote cette machine ?
Marine Car­te­ron mêle des élé­ments de contes, de légendes, de mytho­lo­gies pour nour­rir une intrigue aussi brillante que celle ima­gi­née par la Reine du crime.

Ces romans des­ti­nés à un public de jeunes adultes se révèlent, en matière de ten­sion dans le récit, sou­vent bien supé­rieurs par la quan­tité et la den­sité des actions, à ces livres pour adultes où un for­mat impose des déve­lop­pe­ments qui diluent l’intensité des péri­pé­ties, tiédi la pres­sion.
Avec Dix, la roman­cière libelle un roman au contenu ramassé, dense, au tempo sou­tenu par le pas­sage très rapide d’un per­son­nage à un autre, d’un cadre à un autre, livrant chaque fois des élé­ments nou­veaux d’intrigues, des révélations.

Dix se révèle un magni­fique récit, un huis clos vite oppres­sant, servi par une gale­rie de pro­ta­go­nistes aux pro­fils psy­cho­lo­giques approfondis.

serge per­raud

Marine Car­te­ron, Dix, Édi­tions du Rouergue, coll. “Doado noir”, mars 2019, 304 p. – 14, 00 €.

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Filed under Jeunesse, Pôle noir / Thriller

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