Un certain manque de tranchant
Voici un livre à la fois intéressant mais bien trop sage. Son sérieux et sa précision, son respect maniaque envers son sujet sinon appauvrissent du moins édulcorent certains des enjeux de l’oeuvre dont il est question : celle de Louise Bourgeois. Son auteur est une des spécialistes de l’artiste. Il n’en reste pas moins qu’elle suit trop placidement le déroulé de l’existence de son “modèle”.
Les propos rapportés ne sont pas tous inédits mais ce travail insiste avec justesse sur l’importance de la psychanalyse de Louise Bourgeois.
Ce “moment” essentiel (d’une quinzaine d’années…) lui a permis d’entrer véritablement dans la création débridée en venant à bout des tabous qui l’entravaient. Elle va transformer sa vision du sexuel. Et lui permet aussi de renoncer à la boutique qu’elle avait ouverte à Greenwich Village pour vendre livres et gravures.
Celle qui joue dès lors avec ses monstres et les livre avec une force impressionnante va néanmoins (et sans leur tourner le dos) retrouver dans les années 1990 la ferveur religieuse qu’elle avait épousée dès son enfance jusqu’à se faire baptiser à 22 ans comme pour clore un destin.
Ce qui reste le plus important mais pas assez développé ici, c’est la manière de montrer comment une personne aussi angoissée et dépressive que Louise Bourgeois est parvenue à créer une oeuvre aussi spectaculaire, perturbante et novatrice là où la sexualité demeure une constante aussi réaliste que symbolique.
Face à une telle “femme-couteau”, le livre manque cependant de caractère émancipateur et de tranchant.
jean-paul gavard-perret
Marie-Laure Bernadac, Louise Bourgeois, Femme-couteau, Flammarion, Paris, 2019, 528 p. — 32,00 €.