A la jonction de l’Art Minimal et l’Anti-Form, Chrystèle Lerisse crée des images étranges là où le réel reste néanmoins la matière même et le vocabulaire de l’artiste. Elle les utilise sous diverses constructions. Son travail se caractérise aussi par l’installation dans l’espace de pièces dont les formes et les qualités matérielles sont apparentées à celles de sécrétions organiques évoquant un esprit qui convertit le réel dans un ensemble de propositions d’éléments épars disjoints.
L’exposition Lewitt & Lerisse — qui présente côte à côte des dessins du peintre et des photographies de l’artiste - crée une étrange symbiose entre ce qui semble immuable et ce qui ne fait que passer. La civilisation occidentale est donc embrassée selon deux visions de l’histoire de l’art et l’histoire tout court.
Les deux artistes rendent visible ce qui existe de moins accessible et échappe au regard. Cette confrontation est créée par la belle organisation spatiale du montage. Des courbes ressemblent à un bateau ivre ou à la jungle des possibles. Restent de purs sillages en lieu et place de la réalité du monde comme de l’art.
Preuve que ce dernier n’est pas que le résultat d’actes de destruction. L’élimination de la lumière tonitruante de Lerisse, la tentative de déloger les entrailles enfouies dans le quotidien de Lewitt refusent l’effet de miroir.
Ignorant l’usure du temps par leurs oeuvres, les deux créateurs se le réapproprient avec frénésie ou lenteur et en élimant le brillant et de l’artifice là où lumière et obscurité finissent par s’entendre.
jean-paul gavard-perret
Chrystèle Lerisse,
– A propos, Artzo Editions, Saint Gilles Les forêts, 2019, 96 p.,
– Exposition Lewitt-Lerisse, Treignac Projet, Treignac, du 13 juillet au 15 septembre.