Le récit s’organise sur différents niveaux. D’abord la situation de ces deux couples, les heureux gagnants d’un concours en ligne comme il en est proposé tous les jours. C’est la surprise, la déception voire le ressentiment lorsqu’ils se rendent compte, alors qu’ils pensaient passer une lune de miel, qu’ils doivent cohabiter avec d’autres personnes. Et l’histoire bascule avec des flash-backs relatifs aux protagonistes, flash-backs éclairant des épisodes de leur passé.
Le déroulement de l’intrigue est entrecoupé par des extraits de notes d’un médecin, le Dr Embon, sur ce qui distingue, par exemple, la peur de la phobie, sur les risques de transmission de cette peur à ses enfants…
Julie et Théo attendent la luxueuse voiture qui va les emmener pour vivre le fabuleux séjour qu’ils ont gagné dans un concours en ligne. Ils ne peuvent voir où ils se rendent, les glaces étant occultés. Mais l’arrivée est à la hauteur de leurs espérances. Ils s’installent et Théo part pour un jogging. Arrive un autre couple également lauréat du séjour. L’homme est détestable, trouvant que rien ne va, surtout en colère de trouver d’autres personnes. Il veut téléphoner pour se plaindre aux organisateurs, mais il n’y a pas de réseaux. Il décide d’aller au portail d’entrée. Celui-ci est bloqué. Théo arrive dans un coin de forêt où ce qu’il voit au loin n’est pas de nature à le rassurer.
La cohabitation est difficile. Simon se comportant comme un ignoble parvenu (pléonasme ?), Agathe, son épouse, tente de le faire excuser en expliquant que, professionnellement, il est dans une situation difficile. Une brusque tempête de neige vient gêner leurs possibilités de déplacements. Simon poursuit son idée. Il veut escalader le portail pensant trouver un moyen de l’ouvrir de l’autre côté. Empoignant la structure, il reçoit une décharge électrique. Théo reçoit la même en essayant de franchir la clôture du domaine. Ils décident, alors, d’explorer la propriété pour trouver une faille. Julie et Agathe partent ensemble vers le nord, Théo vers l’ouest et Simon au sud. Julie qui marche mieux qu’Agathe est devant. Elle surveille cependant, régulièrement, si elle est suivie jusqu’au moment où, ayant atteint la clôture, elle s’aperçoit qu’elle est seule. Agathe a disparu et reste introuvable malgré les recherches…
L’histoire repose essentiellement sur les quatre personnages qui composent les deux couples. Matthieu Parcaroli conçoit une galerie de protagonistes aux profils fréquents bien que se situant dans des catégories sociales de responsables : des chefs d’entreprise, des rôles de direction. Théo a repris une boulangerie et Julie accueille les clients. Simon travaille dans une banque et Agathe est responsable d’une agence marketing. Si les premiers sont issus des couches populaires et pratiquent des activités manuelles, les autres sont jugés par les premiers comme de parfaits bobos.
Mais le romancier instille dans son récit une autre dimension, un autre élément, celui que chacun porte en soi, ces peurs plus ou moins maîtrisées qui ne demandent qu’à resurgir. Bien sûr, il faut que les conditions, les circonstances et le cadre soient favorables pour qu’elles reprennent le dessus et phagocytent tout raisonnement.
Le romancier utilise alors des situations devenues banales, des actes que l’on fait machinalement sans se préoccuper des éventuelles conséquences induites. Il introduit ces comportements nouveaux dus à l’évolution des moyens de communication, des outils de distraction et donne une conclusion inattendue avec un remarquable sens de la montée en puissance de la tension.
Pour son premier roman publié, Matthieu Parcaroli réussit un beau récit servi par un quatuor de personnages aux caractères finement ciselés.
serge perraud
Matthieu Parcaroli, Le cri des corbeaux, Le Masque, coll. “Masque Poche”, mars 2019, 240 p. – 8, 50 €.