Matthieu Parcaroli, Le cri des corbeaux

Quand tout dérape…

Le récit s’organise sur dif­fé­rents niveaux. D’abord la situa­tion de ces deux couples, les heu­reux gagnants d’un concours en ligne comme il en est pro­posé tous les jours. C’est la sur­prise, la décep­tion voire le res­sen­ti­ment lorsqu’ils se rendent compte, alors qu’ils pen­saient pas­ser une lune de miel, qu’ils doivent coha­bi­ter avec d’autres per­sonnes. Et l’histoire bas­cule avec des flash-backs rela­tifs aux pro­ta­go­nistes, flash-backs éclai­rant des épi­sodes de leur passé.
Le dérou­le­ment de l’intrigue est entre­coupé par des extraits de notes d’un méde­cin, le Dr Embon, sur ce qui dis­tingue, par exemple, la peur de la pho­bie, sur les risques de trans­mis­sion de cette peur à ses enfants…

Julie et Théo attendent la luxueuse voi­ture qui va les emme­ner pour vivre le fabu­leux séjour qu’ils ont gagné dans un concours en ligne. Ils ne peuvent voir où ils se rendent, les glaces étant occul­tés. Mais l’arrivée est à la hau­teur de leurs espé­rances. Ils s’installent et Théo part pour un jog­ging. Arrive un autre couple éga­le­ment lau­réat du séjour. L’homme est détes­table, trou­vant que rien ne va, sur­tout en colère de trou­ver d’autres per­sonnes. Il veut télé­pho­ner pour se plaindre aux orga­ni­sa­teurs, mais il n’y a pas de réseaux. Il décide d’aller au por­tail d’entrée. Celui-ci est blo­qué. Théo arrive dans un coin de forêt où ce qu’il voit au loin n’est pas de nature à le ras­su­rer.
La coha­bi­ta­tion est dif­fi­cile. Simon se com­por­tant comme un ignoble par­venu (pléo­nasme ?), Agathe, son épouse, tente de le faire excu­ser en expli­quant que, pro­fes­sion­nel­le­ment, il est dans une situa­tion dif­fi­cile. Une brusque tem­pête de neige vient gêner leurs pos­si­bi­li­tés de dépla­ce­ments. Simon pour­suit son idée. Il veut esca­la­der le por­tail pen­sant trou­ver un moyen de l’ouvrir de l’autre côté. Empoi­gnant la struc­ture, il reçoit une décharge élec­trique. Théo reçoit la même en essayant de fran­chir la clô­ture du domaine. Ils décident, alors, d’explorer la pro­priété pour trou­ver une faille. Julie et Agathe partent ensemble vers le nord, Théo vers l’ouest et Simon au sud. Julie qui marche mieux qu’Agathe est devant. Elle sur­veille cepen­dant, régu­liè­re­ment, si elle est sui­vie jusqu’au moment où, ayant atteint la clô­ture, elle s’aperçoit qu’elle est seule. Agathe a dis­paru et reste introu­vable mal­gré les recherches…

L’his­toire repose essen­tiel­le­ment sur les quatre per­son­nages qui com­posent les deux couples. Mat­thieu Par­ca­roli conçoit une gale­rie de pro­ta­go­nistes aux pro­fils fré­quents bien que se situant dans des caté­go­ries sociales de res­pon­sables : des chefs d’entreprise, des rôles de direc­tion. Théo a repris une bou­lan­ge­rie et Julie accueille les clients. Simon tra­vaille dans une banque et Agathe est res­pon­sable d’une agence mar­ke­ting. Si les pre­miers sont issus des couches popu­laires et pra­tiquent des acti­vi­tés manuelles, les autres sont jugés par les pre­miers comme de par­faits bobos.
Mais le roman­cier ins­tille dans son récit une autre dimen­sion, un autre élé­ment, celui que cha­cun porte en soi, ces peurs plus ou moins maî­tri­sées qui ne demandent qu’à resur­gir. Bien sûr, il faut que les condi­tions, les cir­cons­tances et le cadre soient favo­rables pour qu’elles reprennent le des­sus et pha­go­cytent tout raisonnement.

Le roman­cier uti­lise alors des situa­tions deve­nues banales, des actes que l’on fait machi­na­le­ment sans se pré­oc­cu­per des éven­tuelles consé­quences induites. Il intro­duit ces com­por­te­ments nou­veaux dus à  l’évolution des moyens de com­mu­ni­ca­tion, des outils de dis­trac­tion et donne une conclu­sion inat­ten­due avec un remar­quable sens de la mon­tée en puis­sance de la ten­sion.
Pour son pre­mier roman publié, Mat­thieu Par­ca­roli réus­sit un beau récit servi par un qua­tuor de per­son­nages aux carac­tères fine­ment ciselés.

serge per­raud

Mat­thieu Par­ca­roli, Le cri des cor­beaux, Le Masque, coll. “Masque Poche”, mars 2019, 240 p. – 8, 50 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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