Barbara Polla et les nouvelles visées
Barbara Polla ne cesse de déclouer les déesses femmes des piloris où ceux qui n’ont jamais surmonté leur fantasme de castration les crucifient de manière douce ou violente mais qui n’a rien de glorieuse. Les Sainte sébastienne sont percées de diverses flèches comme si leurs bourreaux trouvaient un plaisir sadique à la vision de ces corps injustement torturés.
Certes, le XXème siècle a fait bouger les lignes. La démocratie comme d’ailleurs le capitalisme n’y furent pas pour rien, même si c’est du côté de théories plus gauchisantes que tout sembla se fomenter. Le féminisme a donc fait son chemin souvent bordé plus d’épines que de roses. Les choses ont néanmoins changé. Depuis le “Deuxième sexe”, les mouvements féministes ont essaimé. Ils se sont démultipliés, ont dû parfois se réinterpréter les uns les autres, non sans clivages et stratégies en fonction des espaces et des temps.
Barbara Polla y joue un rôle important même si elle se dit autodidacte en ce domaine, histoire de ne pas jouer les Femmes Savantes. Théorie et pratique vont de pair dans son parcours. Elle lutte contre toutes les discriminations sans pour autant proposer un manifeste ou un règlement de comptes (ce qui va souvent ensemble). Et elle continue à combattre les enfermements, le patriarcat, le sexisme, le racisme, l’homophobie dans ce livre où est fait état des nouveaux féminismes.
Elle y examine, entre autres, le “féminisme intersectionnel” et ses ambitions non sans omettre les risques qu’engendre toute lutte qui potentiellement peut créer d’autres discriminations.
Le livre est aussi brillant que clair. Et non sans humour et impertinence. Les cheminements sont exposés dans les divers lieux d’écrasements — de l’Afrique au Canada en passant par le Japon (entre autres). L’auteure y cristallise l l’essentiel, à savoir comment “contaminer le système des identités assignées”.
Le tout avec le goût de la diversité et de la poésie — sœur du songe et du réel -, ce qui lui (et nous ) permet d’avancer face aux stabilisations et de mettre en exergue “l’indéfendable” ou ce qui est pris pour tel en ce que l’auteure sous-titre “Combats et rêves de l’ère post-Weinstein”.
jean-paul gavard-perret
Barbara Polla, Le Nouveau Féminisme, éditions Odile Jacob, Paris, 2019, 272 p.