Dracula et autres écrits vampiriques , Édition et trad. de l’anglais par Alain Morvan

Au nom de l’oxymore du mort-vivant

Le récit vam­pi­rique est une par­tie arra­chée au tronc de la lit­té­ra­ture gothique. Alain Mor­van publie quelques pépites de telles forces du désordre. Il y a là bien sûr Dra­cula mais d’autres textes (récits ou textes plus “poé­tiques” - celui de Cole­ridge ) dont le superbe Le sang du vam­pire. Les errances noc­turnes per­mettent de mys­té­rieux vaga­bon­dages vis­cé­raux, spon­gieux  et tou­jours sépul­craux et effrayants.
Ce livre per­met de belles décou­vertes comme des relec­tures néces­saires à ceux qui aiment déri­ver dans les genres qu’on nomme “mau­vais”. La force bio­lo­gique et le chaos sont là à tra­vers des héros qui ren­versent les cer­ti­tudes au nom de l’oxymore du mort-vivant. Le vam­pire est un moyen de renouer avec les danses macabres occul­tées dans notre civi­li­sa­tion depuis l’époque des Lumières.

Cette lit­té­ra­ture rap­pelle que la mort nous attend et celle-là joue avec celle-ci afin que nous puis­sions la sup­por­ter. Les peaux blanches des morts retrouvent des cou­leurs de sang et des yeux ardents. Il s’agit alors d’oser s’en rap­pro­cher, voire de les tou­cher.
Alain Mor­van pour son antho­lo­gie a retra­duit tous les textes rete­nus. L’étrange, la mar­gi­na­lité et le sul­fu­reux du monde de chaos retrouvent leur droit de cité dans la plus pres­ti­gieuse des “bibliothèques”.

Il est vrai que, désor­mais ‚le sujet et l’aspiration vam­pi­riques sont deve­nus une bonne pâture pour les uni­ver­si­taires et sortent de la sous-culture. Les femmes y ont d’ailleurs la place belle. Dans cette antho­lo­gie de 9 textes, les vam­pires femelles sont à l’égal de leur alter ego mâles. De Cole­ridge à Flo­rence Mar­ryat via Sto­ker, elles ne sont plus seule­ment objets de per­sé­cu­tion et reprennent l’initiative et s’avancent en “mons­tresses”.
Plus que simple délice effrayant, le genre quoique très codé (pieu, gousse d’ail et autres rituels) s’insère har­mo­nieu­se­ment durant tout le XIXème siècle dans le roman­tisme et le déca­den­tisme. Il repré­sente aussi une sorte de symp­tôme du capi­ta­lisme en marche dont le vam­pire devien­drait le modèle — suceur du sang des prolétaires.

Mais, sur­tout, il rameute — jusqu’à l’excès– la peur néces­saire à tout ima­gi­naire et comme cau­tion du vivant pour sou­li­gner la dif­fi­culté d’être au monde et de ne pas être ce que Mor­van nomme des “autruches métaphysiques”.

jean-paul gavard-perret

Dra­cula et autres écrits vam­pi­riques, Édi­tion et trad. de l’anglais par Alain Mor­van, Gal­li­mard, coll. Biblio­thèque de la Pléiade, , Paris, 2019.

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