La politique est d’emblée définie comme clivage, entre ceux qui sont protégés, et ceux qui sont exposés : à la vulnérabilité, à la persécution, à la mort. Un fils revisite ses déconvenues enfantines à travers des bribes de dialogues familiers, comme des confidences recherchant par une tonalité nouvelle à reconstituer une absence.
On s’installe peu à peu dans ce texte mûr, relatant des expériences aussi anodines que difficiles ; certaines anecdotes sont l’occasion de prononcer des sentences dures, ciselées et tranchantes. Tout autour du plateau, la photographie d’une zone pavillonnaire uniforme, statique, grise. Le propos, enté dans un vécu aride, cherche à théoriser la différence radicale, entre ceux qui ont qui n’ont pas, ceux qui peuvent qui ne peuvent pas, qui sont qui ne sont pas.
La diction de Stanislas Nordey, souvent trop appuyée, épouse ici la démarche recognitive de l’auteur pour la mettre en valeur. Le comédien s’épanouit dans l’expression de la détresse et de la bassesse qui la nourrit. La scénographie, un peu statique, procède de la duplication de la figure du père déchu, sous la forme de mannequins en habits identiques, placés dans différentes positions.
Le fils finit par les porter hors de la scène, pour s’en approprier une qu’il dispose, couchée, au centre de l’espace. La belle intention d’une rencontre saisissante, affectivement et socialement, avec ce d’où l’on vient est toutefois portée à son terme, donc épuisée.
Le propos comme le jeu se montrent en effet à terme saturés, comme abîmés par leur propre instruction. On se risque à distinguer deux parties au spectacle, celle de l’introspection et de l’investigation, qui nous emporte dans cette engeance sociale, et celle de la prospection et de l’instruction, qui développe des réactions et des idées aux accents sentimentaux et grandiloquents, qui désignent sans inviter, nous laissant ainsi déçus de ne pas participer à un élan salutaire mais autonome, chevaleresque mais sans échange.
christophe giolito
Qui a tué mon père
texte Édouard Louis
mise en scène et jeu Stanislas Nordey
Photo © Jean-Louis Fernandez
A La Colline — théâtre national 15 Rue Malte-Brun 75020 Paris
01 44 62 52 52 https://www.colline.fr/spectacles/qui-tue-mon-pere
du 12 mars au 3 avril 2019 au Grand Théâtre
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
durée estimée 1h50
Collaboratrice artistique Claire ingrid Cottanceau ; scénographie Emmanuel Clolus ; lumières Stéphanie Daniel ; composition musicale Olivier Mellano ; création sonore Grégoire Leymarie ; clarinettes Jon Handelsman ; sculptures Anne Leray et Marie-Cécile Kolly ; assistanat à la mise en scène Stéphanie Cosserat ; décors et costumes Ateliers du Théâtre National de Strasbourg ; perruque MTL Perruque ; régie générale Thomas Cottereau.
Le texte est paru aux éditions du seuil en 2018
Tournée
Au Théâtre National de Strasbourg du 2 au 15 mai 2019 ; du 9 au 11 octobre 2019 à la Comédie de Béthune – Centre dramatique national ; le 21 janvier 2020 au CDN Orléans / Centre-Val de Loire ; du 25 au 28 février 2020 au Théâtre de Vidy-Lausanne ; les 5 et 6 mai 2020 au Grand R – Scène nationale de la Roche-sur-Yon ; le 13 mai 2020 au Théâtre de Villefranche-sur-Saône.