Charles Fréger poursuit son exploration de diverses coutumes locales plus spectaculaires les unes que les autres. Après Bretonnes et Yokainoshima, Cimarron crée l’inventaire des mascarades du Sud des États-Unis et du Brésil. Au regard des monstres du Japon et leurs silhouettes perçues comme des divinités, ceux du continent américain sont tout autant habités mais de manière plus ludique au moment où le questionnement sur le devenir des traditions est interrogé.
L’immense corpus de Charles Fréger poursuit donc son cours après les premières séries sur les groupes de sportifs, militaires, professionnels (apprentis sumos, sages-femmes, légionnaires, miss, marins, ouvriers de chantier naval, majorettes, joueurs de water-polos, scouts, etc.).
Le photographe cherche une fois de plus une confrontation distancée afin de chercher – par effet de surface mais sous l’apparat – à toucher l’épaisseur de l’être. L’aspect documentaire et ethnographique des prises reste secondaire. La précision des mises en scènes, des cadrages est au service d’une vérité de l’art. Certes, un aspect exotique reste forcément présent eu égard aux « tribus » que l’artiste capte de par le monde. Il prouve que des groupes étranges dans leurs aspects cérémoniels et chatoyants nous parlent.
Chaque « modèle » est placé devant un fond neutre loin de toute mise en situation « d’actant ». Il demeure face à l’objectif . Mais l’artiste ne tente pas de le statufier. Des bras balancent maladroitement, certains semblent à l’aise, d’autres plus empruntés quel que soit le registre et le niveau de marquage social de chaque « casaque ».
Fréger ouvre une subjectivité en cherchant le moment où, sous la carapace ou l’armure, l’être sort de l’impeccabilité d’apparence. De la sorte, il interroge moins le groupe que l’individu. Aucun jugement n’est porté.
Sous l’esthétique documentaire, une autre (sans adjectif pour la préciser et la réduire) apparaît comme l’être surgit au-delà de son rôle.
jean-paul gavard-perret
Charles Fréger, Cimarron, Actes Sud, Aix en Provence, 2019.