Laurenz Berges s’intéresse aux vestiges de la RDA témoins du nazisme et à l’occupation de l’ex-URSS. Dans ces paysages se dégage une forme de nostalgie suggérée moins par l’Histoire que les lieux eux-mêmes. De telles photographies, dans leur effet de réalisme, possèdent un potentiel mimétique et métaphorique complexe et puissant.
Elles soulèvent de nombreuses questions. Fondée sur le paradoxe de l’insolite d’une réalité laissée à l’abandon, chaque photographie permet d’entrer dans le domaine de l’insondable de lieux plus ou moins sépulcraux.
L’artiste ne fait en rien oeuvre de dévotion, il permet de mettre en évidence la problématique de la disparition et du “reste”. Il n’est pas question d’élaborer de grandes théories : l’art est constat pour ouvrir à une béance oculaire. Le travail s’oriente donc autant vers une présence qu’ une absence, non vers la description du visible mais vers un acte visuel de la mémoire qui prend acte de telles disparitions sans donner de “ligne” d’interprétation.
Les images à la fois modestes et grandioses illustrent un temps passé marqué de la perte et, pour certains, d’une fascination mélancolique — ce qui n’est pas le cas de Berges.
Les lieux ne sont que des relevés d’indices qui demeurent — sans représenter des reliques au sens propre du terme.
jean-paul gavard-perret
Laurenz Berges, Ort und Erinnerung, Museum für Photographie, Braunschweig et galerie Wilma Tolksdorf, jusqu’au 31 mars 2019.