Sloane, le peintre-faussaire, explore les cabarets new-yorkais à la recherche de sa fille en proie à un amant violent et imprévisible.
Greenwich Village, lieu phare de toutes les rencontres culturelles new-yorkaises des années 60. Sloane, un peintre raté y a une aventure avec Jane Graham, autre peintre mais de talent et plus âgée que lui. 40 ans plus tard, au sortir de prison — il a joué au faussaire — Sloane est appelé au chevet italien de Jane, mourante. Il y découvre une paternité. De leur union est, en effet, née Connie Gaham, une chanteuse de jazz paumée mais non moins talentueuse que sa mère, avec laquelle elle s’est disputée il y a quelques années. Sloane promet à Jane de retrouver leur fille.
En même temps, un deal forcé se crée entre lui et la police afin de coincer Parsons, un receleur de fausses œuvres. À New York, Connie est entre les mains de Delaney, un dangereux psychopathe qui fricotte avec la mafia. Pendant ce temps, les inspecteurs Catherine Vargas et John Cherry enquêtent sur la mort de sa maîtresse précédente. Tous ces personnages vont se croiser, se côtoyer, s’aimer et se haïr pour, souvent, le pire et, quelquefois, le meilleur. Tous ou presque feront d’incessants allers-retours entre Londres et New York alors que de nombreuses courses contre la montre sont lancées et que la mort rôde.
John Harvey quitte son inspecteur de prédilection, Resnick, pour arpenter le milieu de la peinture mais aussi du jazz, qui est, décidément, un thème récurrent dans les choix éditoriaux de François Guérif. Son enquêteur, Sloane, est un personnage fort sympathique d’une soixantaine d’années, tout frais sorti de prison. Il évolue en total décalage avec l’univers qui l’entoure. On a l’impression qu’il a des années de retard que son passage en prison ne suffit pas à expliquer. Sloane, personnage atypique, dont tous les gens qui l’entourent sont extraordinaires. Personnages au caractère fort et aux talents prononcés. Les artistes sont talentueux, les policiers de vrais pitbulls et les méchants des psychopathes en puissance.
L’écriture de John Harvey est souple, déliée, facile. Son travail est remarquable de précision. La passion picturale côtoie celle, musicale, du jazz où les sets s’organisent dans des cabarets enfumés et où les rails de coke sont foison. On ne serait pas surpris d’y rencontrer Tom Waits. Ce ne sont que Connie Graham et Wayne, un pianiste qui a joué avec les plus grands du moment. Ce n’est pas grand-chose et c’est beaucoup. Connie n’est qu’une chanteuse-interprète. Mais sa voix nous embarque sur les voies de Thelonious Monk, pianiste avant-gardiste et qui a inspiré à Jane Graham une de ses plus belles œuvres, Trinkle Tinkle.
Les lecteurs qui ont aimé Sur les traces de Chet Baker de Bill Moody adoreront Couleur Franche de John Harvey et son ambiance de velours taché de sang.
julien védrenne
John Harvey, Couleur franche (traduction de l’anglais par Mathilde Martin), Rivages, 2004, 331 p. — 9,00 €. |