Dictateurs de tous les temps !
« Nous croyons toujours que tout est nouveau ». C’est par cette phrase que Jacques Bainville ouvre son étude, publiée en 1935 et consacrée aux dictateurs dans l’histoire. Pourtant, selon le grand historien et journaliste de l’Action française, il n’en est rien. Dans ce domaine comme dans tant d’autres, l’histoire est faite de permanences.
Ainsi se plonge-t-il dans une série de portraits des dictateurs les plus célèbres depuis l’Antiquité et Solon jusqu’à Adolf Hitler, en passant par Cromwell, Richelieu, Robespierre et Napoléon, sans omettre ni Mustafa Kemal, ni Mussolini. Bref, à part l’époque médiévale, toutes les époques ont connu cette forme de gouvernement.
Bien sûr, Bainville a ses préférences, Richelieu au premier chef mais aussi le très maurassien Salazar. Mais, sans ambiguïté, il ne cultive aucune indulgence pour ces dictateurs, d’ailleurs très divers dans leur origines, leurs parcours, leurs valeurs. Car force est de constater qu’il existe un lien entre « le peuple » et le dictateur de nature à faire réfléchir. La démocratie peut elle aussi s’avérer féconde en tyrans.
On pourrait reprocher à l’analyse bainvillienne de ne pas voir avec suffisamment de clarté la différence abyssale opposant les systèmes totalitaires de son époque avec les dictatures somme toute modérées des temps plus anciens. Pour autant, il réussit à percevoir – et ce dès 1935 rappelons-le – la dimension religieuse du nazisme. Ce livre confirme en fait l’antinazisme des disciples de Maurras.
Un livre d’actualité ? En quelque sorte oui puisque nous assistons à l’installation de régimes autoritaires dans un certain nombre de pays.
Présentée par Christophe Dickès, l’un des meilleurs connaisseurs de la pensée de Bainville, cette étude, sans être la plus pénétrante de l’auteur du prophétique Les conséquences politiques de la paix, donne une série d’éclairages sur nos temps troublés.
frederic Le moal
Jacques Bainville, Les dictateurs. Présenté par Christophe Dickès, Perrin-Tempus, février 2019, 261 p., 9 €