Somme de dérives et de renoncements
Pour son premier roman, Elisabeth Benoît, choisit une fiction à voix multiples autour d’un suicide. Celui d’une scénographe inconnue sinon pour son “titre” de soeur d’un célèbre acteur. Dès lors, cette notoriété sororale délie des voix dont celle de Suzanne sa voisine. Elle raconte — depuis Montréal — ce que disent les autres, la grande amie de la suicidée, Ray l’ami d’enfance et son frère Laurent. Personne n’est capable d’expliquer le suicide mais tous “vendent” comme certaines leurs hypothèses.
Une autre voix se mêle en alternance à celle de la narratrice : un inconnu Bob. Personne ne sait d’où il vient mais Suzanne l’intéresse. Il est chargé de l’observer, d’enquêter sur elle. Il sait et raconte alors à son propos des choses qu’elle-même ne raconte pas. D’où cet effet d’astucieuse mise en abyme puisqu’à une enquête se superpose une autre.
Le lecteur ne saurait opter entre les deux trames mais il se laisse saisir dans l’imbrication d’incompréhensibilités qui n’effraient pas forcément. Tout semble indiquer que chaque vie est une somme de dérives et surtout de renoncements. Pour autant, la persévérance n’est pas ici fille de la confiance ou du désespoir. Les départs sont irréversibles mais l’éloignement non.
Elisabeth Benoît prouve qu’on peut croire être vrai de diverses manières mais authentique d’une seule.
jean-paul gavard-perret
Elisabeth Benoît, Suzanne Travolta, P.O.L éditeur, 2019, 256 p. — 19,0 €.