Caroline Lamarche, Nous sommes à la lisière

« La mort plate »

Dune nou­velle à l’autre Cathe­rine Lamarche nous place à la lisière de deux mondes où se croisent humains en déroute et ani­maux presque sau­vages vers d’improbables ren­contres. Cha­cun tente de rejoindre l’autre, mais l’on ne sait qui, de la bête ou de l’humain, est en quête de pro­tec­tion.
Par­fois s’espèrent des « enfin » qui effa­ce­raient des inter­ro­ga­tions et des doutes au moment où cha­cun a envie de rebrous­ser che­min — même si, sou­vent, il ne semble appa­raître nulle clai­rière en vue, nulle route.

Caro­line Lamarche reste proche du monde de la sen­sa­tion et de l’émotion. Son écri­ture poé­tique fait entrer dans ce que Denis Roche nomma « la mort plate » au sujet de la pho­to­gra­phie. Comme elle, l’écriture ne peut pré­tendre à la réa­lité. La «mort» évo­quée par l’écrivaine est donc pro­vi­soire ou irre­ce­vable.
Elle n’est pas – et para­doxa­le­ment — en abîme du monde, elle ne peut qu’en repro­duire une sur­face tou­jours illu­soire que l’homme ou l’animal peut finir par rejeter.

Chaque nou­velle sou­met à une sorte de régime de fascination-répulsion là où tout pour­tant «s’encendre» (Beckett) pour mieux renaître et recom­men­cer. Un che­val nommé Men­songe emporte une enfant loin du monde men­songe des adultes, un écu­reuil exor­cise la folie ou l’ennui dans des forêts de songes vouées à la des­truc­tion par  les bou­le­ver­se­ments cli­ma­tiques mais où Mer­lin l’enchanteur pousse encore sa goua­lante.
Entre la sim­pli­cité nar­ra­tive et la sau­va­ge­rie sou­ter­raine à la lisière du chaos devenu le plat du jour de l’existant, le vivant bouge encore. Dans sa musique par­ti­cu­lière, l’absence tient com­pa­gnie à la déshérence.

On apprend aussi que l’union par­faite vient lorsque les visages se séparent. Dès lors, ce qu’on croit perdre n’est que trans­formé. Et les nou­velles mêlent le désert au désir. Reste à savoir lequel efface l’autre.
Caro­line Lamarche les fait par­ler afin de faire croître ce qui est encore pos­sible sans jamais don­ner sa langue au chat.

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jean-paul gavard-perret

Caro­line Lamarche, Nous sommes à la lisière, Gal­li­mard, coll. Blanche, Paris, 2019, 176 p. — 16, 00 €.

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