Qu’on ne s’attende pas ici à un Voyage autour de ma chambre à la De Maistre. Il est vrai que les temps ont changé. Et les focales avec. Et Dustan de préciser son projet à travers une affirmation de Francis Bacon : « Je veux simplement peindre un personnage dans sa chambre. Ce qui m’intéresse davantage c’est saisir dans l’apparence des êtres la mort qui travaille en eux. »
Dans le lieu plus ou moins secret du narrateur, tout se trame en étreintes répétées, violentes heureuses, tragiques, dérisoires, qu’importe. Nous sommes plongés dans le milieu homosexuel où très souvent ceux qui se sont libérés du poids que leur sexualité, via des siècles de répression, fait peser sur eux partent à la recherches de plaisirs en des nuits de drague au milieu des bars du Marais.
Le livre revendique une vérité d’incorporation au sens premier du terme. Et ce, en des noces de sang et de sperme. La chair s’y défait visuellement — preuve que Bacon et ses images ne sont jamais loin. La chambre et les lieux connexes (bars) deviennent le pays où tout est permis. Une telle introspection sent le souffre et le souffle.
Dustan ose la pornographie au sein d’une littérature brutaliste qui est atténuée par l’ironie. L’aube des matins s’y fait crépusculaire. Le chacun pour soi règne en maître dans ce qui tient de la vie comme exercice d’un fiasco mais aussi d’une oeuvre d’art dont l’acte compte plus que le résultat.
jean-paul gavard-perret
Guillaume Dustan, Dans ma chambre, réédition, P.O.L éditeur, Paris, 2019 — 9,00 €.