Territoires dépliés et repliés
Jouant de trois repères pronominaux (il, je, vous) pour segmenter les trois temps de son livre, l’auteur fait de sa fiction une sorte de mixe qui peut rappeler autant les premiers romans de Butor que ceux de Dominique Fernandez. Existe dans cette fiction un goût parfait du timing et de la narration. Ici l’Italie que l’auteur affectionne passe derrière une histoire plus africaine.
Mais cette romance est des plus classique et attendue et c’est bien là le problème. Si la morale épidermique du temps ne faisait pas florès, pourrait-il être affirmé qu’il s’agit de l’histoire “d’un vieux beau et d’une jeune négresse” ? Mais bien sûr nous nous garderons d’un tel résumé.
D’autant que De le Genardière a de la bouteille. Il sait sauver les meubles. Ceux-ci évoquent différentes formes d’enfermements ou de retraits, volontaires ou non, entre la “cave” du philosophe ou le “cachot” des amours hors de saison. Preuve que la solitude - recherchée ou imposée - n’est pas forcément un isolement du monde mais une manière de l’accueillir pour le réinventer.
Et le héros (miroir de son inventeur) qui choisit ce modèle de vie est soudain « sorti » du flux habituel de sa vie pour mieux y retourner.
Philippe de la Genardière présente un viatique dont le néant ne fait pas forcément partie. La situation et la façon de le raconter soulignent une universalité non commune sans doute mais qui existe bel et bien. L’oeuvre devient aussi une expérimentation sur le récit : l’histoire se reconstitue par lui. Si bien que le corps reste le dernier « lieu » de préservation de l’individualité.
Sa présence remplace les aplats d’azur aux enjolivures de palmes en des espaces de calme particulier là où l’enfermement, plus de l’amour que de la solitude, devient un postulat de l’existence.
jean-paul gavard-perret
Philippe de la Genardière, Mare Nostrum, Actes sud, janvier 2019, 272 p. — 21,00 €.