C’est un destin absolument hors du commun que celui de Maxime Weygand, décrypté avec minutie par Max Schiavon dans une très belle biographie. Très bien documentée, loin des pesanteurs de l’historiquement correct, riche de récits haletants, cette étude nous fait découvrir un chef militaire dotée d’une personnalité intransigeante, prêt au sacrifice pour sauver la France du désastre.
Bien sûr, Weygand, c’est l’homme de la défaite de mai-juin 1940, celui de l’armistice, le pétainiste voué à la damnatio aeterna par la mémoire gaulliste qui n’aime pas les parcours sinueux, surtout quand ils ne mènent pas au général. Mais il fut surtout le plus proche collaborateur de Foch, le plus précieux, le plus intelligent. Officier d’état-major, il ne commanda pas au feu mais fut à son niveau un des architectes de la victoire. Max Schiavon fait une analyse approfondie de cette carrière et de ce caractère qui, menant Weygand au sommet de la hiérarchie, le conduisirent à batailler contre la politique de désarmement d’une III° République pacifiste.
Que pouvait faire Weygand appelé à la tête de l’armée française en mai 1940 alors que la défaite était consommée ? Comme réparer les torts inexpiables de Gamelin ? Insuffler la volonté de vaincre à un instrument militaire qui déjà ne répondait plus ? Max Schiavon, en décrivant jour après jour le travail titanesque de Weygand, met en lumières les efforts désespérés d’un chef qui crut quand même la victoire possible.
Autre point capital de cette biographie : son engagement à Vichy, en tant que proconsul en Afrique du nord, pour préparer cette revanche à laquelle bon nombre de militaires croyaient ; sa haine des Allemands et des collaborateurs (qu’ils surnomment les « bochophiles ») ; son refus de céder un pouce de terrain de la souveraineté de la France. C’est un pièce supplémentaire à verser au dossier des “années noires” et de leur complexité. Enfin, Max Schiavon décrit un général de Gaulle éloigné des diktats mémoriaux. Vindicatif et mesquin, le chef de la France Libre ne pardonnera jamais à Weygand sa liberté, et le pourchassa de sa rancune.
Bref, un vrai livre d’histoire.
frederic le moal
Max Schiavon, Weygand. L’intransigeant, Tallandier, octobre 1918, 590 p. — 26.50 €.
Etrange “vrai livre d’Histoire” qui ne mentionne pas que Weygand nommé général en chef le 20 mai 1940 commença par annuler l’ordre de contre-offensive de Gamelin puis laissa l’armée sans instructions durant trois jours où il se consacra à diverses activités mondaines tandis que Guderian
s’engouffrait dans les Ardennes, suivi de toute l’armée allemande.
Il ne rappelle pas non plus qu’il abandonna son poste pour regagner Paris où
l’appelait la “révolution nationale” dont on connaît le succès éblouissant.
Sa prétendue réorganisation de l’Armée d’Afrique se limita à la modification du régime des permissions. Son rôle fut essentiellement de menacer de mort les officiers, général Noguès en premier, suspects de sympathies pour la France Libre. Il passa beaucoup de temps à haïr de Gaulle et convoqua deux tribunaux successifs pour le condamner à mort, tandis qu’il ne doit qu’à de Gaulle de ne pas avoir été jugé en 1945. Qui est vindicatif et mesquin ? Ce ressortissant belge, naturalisé Français par fraude, admis à Saint-Cyr sans concours, devenu général 5 étoiles sans avoir jamais été au feu, était tout désigné pour devenir l’idole des médiocres. Il apparut dans toute sa splendeur en Algérie où il interdit l’accès des écoles aux enfants juifs….Quel grand homme vraiment….