Un bel équilibre entre action et humour
En prologue, un homme n’hésite pas à tuer pour s’emparer du miroir d’Arrapha, un trésor sumérien.
C’est au bord d’un canal, en Bourgogne, que Karen Holt retrouve Benjamin Horwood. Elle doit le ramener à Londres, par tous les moyens, dans le service spécial auquel elle est affectée. Benjamin, qui a produit une thèse intitulée “La fascination des dictateurs pour les reliques ésotériques” avec Fanny Chevalier, était l’élève préféré du professeur Ron Wheelan. Celui-ci, qui enquêtait sur une série de vols mystérieux, vient de décéder dans un accident automobile. Pratiquement kidnappé, Ben rencontre le patron de Karen. Celui-ci lui explique la situation sans lui laisser le moindre choix. Le British Museum qui l’employait l’a mis en disponibilité le temps qu’il faudra. Et même l’idée de travailler avec la ravissante Karen ne le réjouit pas plus que cela. Il est amoureux, sans espoir, de sa co-thésarde partie avec un autre homme.
Le professeur enquêtait, pour ce service spécial des services secrets anglais constitué pendant la Seconde Guerre mondiale, sur une série de vols d’antiquités liées à des pratiques occultes ou ésotériques, de matériels technologiques à la pointe du progrès. On vient de signaler un cambriolage dans la Holy Trinity, une église d’York. Le duo est dépêché sur les lieux. L’objet dérobé était dans un endroit improbable. La trace laissée dans la terre est de forme pyramidale.
Emmené par Karen, Ben rentre chez lui. Ils découvrent l’appartement retourné de fond en comble. Pour ne prendre aucun risque, il est mis à l’abri dans une cache du service. C’est de là qu’il doit partir pour la région d’Osaka où la chambre funéraire de l’empereur Nintoku a été profanée. C’est encore un artefact de forme pyramidale qui a été exhumé.
Que cherchent les membres de cette organisation qui devancent les agents ?Quel secret convoitent-ils et dans quel but ?
Avec Le premier miracle, Gilles Legardinier entraîne ses lecteurs dans un roman où il entremêle aventure, alchimie, mystères ésotériques, histoire, artefacts et sites millénaires, humour. Certes, s’il change de registre, passant de romans plus légers à l’humour décapant pour le thriller ésotérique, il garde quelques constantes dont l’humour qu’il transpose dans un univers fabuleux où se télescopent légendes, croyances et pratiques occultes.
Pour faire vivre cette succession d’actions, de rebondissements, de coups de théâtre, il conçoit un duo singulier. Avec Karen Holt, il met en scène un agent efficace ne se laissant pas distraire de sa mission. “Elle peut, en un éclair, troquer sa panoplie de jeune femme piquante contre une armure de tueuse.” Elle est préparée à faire face à toutes actions violentes, capable de défendre ceux dont elle a la charge. Mais elle a du répondant en matière de réparties et elle sait analyser ses semblables tant pour leurs sentiments que pour leurs émotions — que celles-ci s’affichent ou soient dissimulées.
Benjamin Horwood est le chercheur, l’intellectuel courant après un amour inaccessible. Pour masquer sa fragilité, il a développé un sens de l’humour peu commun, semblant s’amuser de tout, même quand les circonstances ne s’y prêtent pas. Il manie l’autodérision et la dérision avec maestria. Le romancier lui fait dire : “Les jolies filles ont toujours attiré les abrutis.” Fanny répond : “Dis donc, tu oublies que toi aussi tu me cavalais après ! - Je n’ai jamais prétendu être très malin.“
Ce duo, qui porte l’intrigue, est confronté à une galerie de personnages attractifs, qu’on les range dans la catégorie des Bons ou des Méchants.
Parallèlement le romancier développe nombre de points de vue, nombre d’idées sur l’Histoire, l’humanité, notre société… Par exemple, il évoque l’alchimie et ses concepts, la fragilité des connaissances actuelles et les précautions à prendre quand des scientifiques assènent leurs vérités. Il cite quelques exemples significatifs comme la théorie de la terre plate défendue par des personnalités de premier plan en leur temps, la nature de l’évolution humaine avec la découverte de Lucy, des grottes de Lascaux…
Il fait pétiller des dialogues, des tête-à tête entre les deux héros, des échanges avec des tiers. Lorsque le parton de Karen fait part à Ben des décisions prises à son sujet, celui-ci répond : “Est-ce que quelqu’un vous a déjà dit “non” ? Parce que je crois qu’à votre âge avancé, il devient important que vous fassiez l’expérience de la frustration.” Il fait découvrir nombre d’objets, nombre de sites et offre ainsi au lecteur un peu curieux des pistes passionnantes pour découvrir des données scientifiques, historiques, légendaires. Il en est ainsi du Splendor Salis, un des plus importants traités d’alchimie, de la tombe de l’empereur Nintoku, plus étendue que quarante terrains de foot…
Un magnifique thriller riche en matière d’intrigue, de personnages et d’informations diverses et variées. Un pur régal !
serge perraud
Gilles Legardinier, Le premier miracle, J’ai lu n° 12 292, septembre 2018, 576 p. — 8,00 €.