Les premiers vols de l’Aéropostale
Yann Calec se replonge dans les cahiers de Josef Schäfer, ce pilote ami de son père, surnommé Tanguy-la-Vie-Dure. Il commence la lecture des aventures de la période 1924–1926. Josef sait piloter mais l’argent manque pour continuer à apprendre. Il ne veut plus tremper dans les trafics de drogue de son frère. Il travaille donc à la ferme avec Adèle, malgré la passion du vol qui le dévore. Toutes les lettres qu’il envoie aux compagnies aériennes restent sans réponse.
C’est Oscar, le cousin d’Adèle qui vient le chercher. Celui-ci travaille comme mécanicien pour un cirque volant. Il faut vite remplacer un pilote accidenté. Josef saute sur l’occasion et commence les cascades. Une jeune femme portant comme nom de scène Princesse Karmina, joue les cascadeuses sur et entre les avions. Bien que la maîtresse du patron, elle entend mener une vie libre et tente de séduire Josef. Un accident, en fait un sabotage, le suicide du coupable patron remettent tout en cause pour Josef. Entraîné par Oscar, il part chez Latécoère pour postuler. Quelle n’est pas sa surprise d’apprendre que cette société l’a convoqué… par deux fois ! Des courriers cachés par Adèle.
Son obstination le fait embaucher pour… nettoyer les cylindres. Il fréquente un certain Mermoz qui est attelé au même travail. Et puis, un jour, c’est la consécration. Il devient pilote et il lui faut acheminer le courrier coûte que coûte en se moquant des dangers…
Jean-Charles Kraehn continue de dévoiler, à travers les cahiers reçus par le héros de sa série Tramp, la vie tumultueuse de Tanguy-la-Vie-Dure. Après les premiers engouements dans l’Afrique du début du XXe siècle (L’Envol – Dargaud 2016), l’apprentissage et des premiers essais délictueux dans la France des Années folles (L’Apprentissage — Dargaud 2017), Josef veut devenir pilote et exercer sa passion au grand jour.
En 1924, les bras manquent dans les fermes d’une France restée principalement rurale et Josef participe à l’effort national. Puis, le scénariste tourne son récit vers ces cirques volants où toutes les acrobaties, mêmes les plus folles, étaient autorisées. Il intègre une sombre liaison sentimentale, avant d’entrer dans la grande histoire de l’Aéropostale avec ces aventuriers de légende que furent Antoine de Saint-Saint-Exupéry, Jean Mermoz, Henri Guillaumet.
Le scénariste retient la société Latécoère, l’ancêtre d’Air France, et fait revivre les temps héroïques de l’aviation commerciale débutante, voire balbutiante. Tout est à créer, à inventer, à consolider. Les risques sont à la hauteur des enjeux. Mais Jean-Charles Kraehn ne se borne pas à une simple reconstitution historique, il associe actions, rebondissements et péripéties d’intrigues secondaires à une base déjà mouvementée.
Chris Millien assure un dessin réaliste, aux décors soignés, aux personnages bien identifiables ou les avions, qui occupent une large place dans les planches, sont virevoltants, mis en scène avec dynamisme. Les paysages vus de haut, de déserts sont superbes. La mise en couleurs est l’œuvre de Patricia Jambers qui donne des lumières, des éclairages remarquables.
Une série attractive qui permet de redécouvrir les premiers pas d’une aviation commerciale qui s’installe dans le paysage de notre société, avec des intrigues qui retiennent l’attention.
serge perraud
Jean-Charles Kraehn (scénario), Chrys Millien (dessin) & Patricia Jambers (couleurs), L’Aviateur – t.03 : Les Courriers du désert, Dargaud, octobre 2018, 60 p. – 14,00 €.