Les portraits d’Eva Burton creusent des galeries afin que le corps ou le visage sorte de ses contraintes — entre autres celles de « s’incorporer » à un ordre. Pour autant, la créatrice ne choque pas. Enfin presque. Car il existe à travers la dimension ludique de ses autoportraits un humour et une transgression (les deux sont sans doute liés).
Par effet de fragments et de juxtapositions « intempestives » face aux représentations lisses et figées du monde, Eva Burton propose de fait une œuvre dérangeante afin de faire jaillir de l’ombre la lumière offusquée. Le corps dépasse le corps réel : il devient surtout un foyer incandescent. Ses scénarisations diffusent la chaleur du vivant. De chaque épreuve émanent un mouvement, un équilibre et une apesanteur. Le corps se lève de l’écume avant de consentir à reprendre appui sur le sol.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mes chats et mon fils. Je suis plutôt une lève-tôt.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Certains se sont réalisés en partie, d’autres pas du tout. Abandonner ses rêves d’enfant, c’est devenir adulte aussi. Rencontrer des impasses, connaître certains échecs, puis se reconstruire, se réinventer c’est bien aussi.
A quoi avez-vous renoncé ?
A un peu de ma liberté, à mon franc-parler parfois.
D’où venez-vous ?
De Dijon mais j’ai beaucoup bougé, région parisienne, Grande-Bretagne puis les Yvelines que j’apprécie particulièrement avec la forêt.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Peut-être une ouverture d’esprit, la soif d’apprendre et un intérêt pour l’art sous toutes ses formes.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Mon café du matin, 2 tasses, un rituel pour me réveiller.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
C’est difficile à dire, la spontanéité peut-être. Je ne calcule pas, je fais les choses au feeling, je suis changeante et multiple. Je brouille les pistes sans le vouloir. Mais beaucoup d’artistes sont comme ça, non?
Comment définiriez-vous votre approche du portrait et de l’autoportrait ?
La sincérité du portrait et le besoin de faire passer un message par l’autoportrait. L’autoportrait est un jeu.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une image forte dans ma vie ? Les camps de concentration, photos en noir et blanc qui n’atténuaient en rien l’horreur. De belles images ? Celles de Robert Doisneau.
Et votre première lecture ?
Impossible de me souvenir de ma première lecture. Les histoires que me racontait si bien ma mère quand j’étais enfant, me viennent à l’esprit. Elle savait mettre le ton et créer la magie. Puis vite, j’ai eu le goût des policiers, des romans historiques aussi.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Jazz, classique, un peu de pop mais j’écoute beaucoup moins depuis quelques années.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je ne relis jamais un livre, il y en a tellement d’autres à découvrir.
Quel film vous fait pleurer ?
Il y en a eu beaucoup, je suis une vraie fontaine, ce qui peut être gênant au cinéma… Les amours contrariés me font beaucoup pleurer ou parfois certains petits détails qui touchent ma sensibilité.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une mère, une femme et la petite fille qui reste à l’intérieur.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A personne, je n’ai aucun regret. Quand je veux faire véritablement quelque chose, je le fais.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Athènes.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
David Foenkinos, Franz Olivier-Giesbert, Picasso, Félix Valloton.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un voyage.
Que défendez-vous ?
Les droits des animaux.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je n’ai toujours pas compris le fonctionnement de l’amour, si logique il y a. J’ai arrêté de chercher à comprendre.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Woody Allen a une pensée tortueuse. Ses réflexions personnelles peuvent donner mal à la tête.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Il y en aurait sans doute beaucoup d’autres. L’humain est un être bavard qui parfois sait écouter.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 3 novembre 2018.