Qui d’autre sinon Marcel Miracle pour inaugurer une nouvelle galerie ? Certes, pour cette « Re-naissance » (ce titre possède ici plusieurs sens) il n’est pas seul : Alighiero E Boetti et Frédéric Bruly Brouaré accompagnent celui qui devient “godfather” vénérable ou hôte des bois du 118 boulevard Richard Lenoir. Les dessins du poète artiste géodésique et minéralier possèdent une qualité essentielle : il place le regardeur face à un espace où il n’existe pas. En dépit d’un sentiment de déjà-vu que l’artiste feint de caresser, le voyeur est dispensé de se croiser ou de se reconnaître dans ce qu’il voit. Et en cas de doute, Miracle ajoute une cuillerée d’humour pour éviter de croire que l’image n’est qu’une vie par procuration.
La mythologie que l’artiste invente au revers du réel crée un plaisir. Au cours de tels transferts qui semblent embrayer sur la réalité un caractère aussi drôle qu’étonnant germe, face à l’insignifiance du quotidien que nous tricotons bon an, mal an. Marcel Miracle donc reste un parfait libertaire qui prouve combien la folie du réel est toujours fade face à celle de l’imaginaire.
Tout ce que l’artiste dessine, moins que renforcer la surface du support le rend énigmatique. Pour cela, le créateur n’a pas besoin d’y aller de main morte : il semble même les laisser dans ses poches. Mais, entre le thé au Sahara et le chant des hulottes de Jura (j’espère qu’il y en a encore), Marcel Miracle devient le maître des raccourcis jamais bâclés.
Ses défigurations assument la reconfiguration des revers de médailles qu’il exhume de ses champs de fouille et de bataille. Ceux du destin, du dessin, des déserts (jamais d’ennui). Dans leur vide, ce qu’il est coutumier de nommer réalité est forcée à demeurer lointain. Et ce, pour nous exonérer de tous les emmerdements qu’elle produit dès que nous avons le dos tourné.
jean-paul gavard-perret
Marcel Miracle, Re-naissance, Galerie Magin-A, 118 boul. Richard Lenoir, Paris XIIIème, du 18 octobre au 1er décembre 2018.