L’artiste anglaise propose de la manière la plus pudique possible ses émotions à travers ses voyages — entre autres aux USA. La photographe saisit ce que le hasard lui propose. Chaque être rencontré, chaque paysage choisi ajoute une touche impressionniste à un ensemble grave et envoûtant. En noir et blanc et en plan large et littéraux, chaque prise touche une étrange intimité et accroche le regard.
Les rapports entre les corps figés et les paysages plus ou moins laissés à l’abandon créent l’espace scénique fascinant et aride d’un cérémonial délétère.
La saisie du banal est opérée avec le respect pour ce que Baudelaire appelait “la trivialité positive”. En émane une dimension onirique créée — paradoxe suprême — par la référence au réel le plus dur et sans nul recherche d’effets. La scénographie reste sobre, minimaliste. Vanessa Winship ne triche pas. L’émotion passe par le filtre implacable de la retenue esthétique. Elle provoque l’apparition d’un lyrisme étrange. Il ouvre une faille particulière dans la vision des êtres et du monde comme dans le rapport à l’effet miroir que la photographie généralement entretient avec celle ou celui qui la regarde.
D’où cette expérience rare de la sensation d’indistinction du corps au monde.
jean-paul gavard-perret
Vanessa Winship, Chronicle and fiction, Micamera, Milan 20–21 octobre 2018.