L’éveil du printemps (Frank Wedekind / Marion Conejero)

Une ver­sion fraîche et pétillante de L’éveil

Un groupe de jeunes gens dis­cute vive­ment d’un fait divers sur­venu en Ita­lie : le sui­cide d’un étu­diant sou­mis à une pres­sion trop forte par ses études et sa famille. Réunis à la veille de la remise de leur TPE sur L’éveil du prin­temps de Wede­kind, les ado­les­cents, tra­ver­sés par les reten­tis­se­ments de cette actua­lité sur le sujet de leur devoir, tra­vaillent de façon spon­ta­née, désor­don­née, en s’apostrophant et en s’invectivant. Ce tra­vail col­lec­tif est à rendre sous peu et la ques­tion est de savoir com­ment en venir à bout. C’est au moment où leurs pro­pos s’enveniment que le spec­tacle com­mence.
L’arrivée atten­due d’un témoin impor­tant, censé ins­truit du carac­tère d’un des per­son­nages qui leur échappe, occa­sionne un chan­ge­ment de ton : pour com­prendre l’affaire, on va pro­cé­der à une recons­truc­tion qui va consis­ter à jouer la pièce. Les répliques sont rapides, les comé­diens vifs, justes : ils campent avec brio leur per­son­nage. L’histoire de Moritz, élève peu doué et beso­gneux, de Jean­not, tur­bu­lent et can­dide, de Mar­tha, vic­time maline, d’Ilse, libre et déjan­tée, de Wendla, curieuse et ingé­nue, de Mel­chior – rôle endossé par le nou­veau venu – intel­li­gent et auto­nome, se déroule vive­ment, comme à tra­vers des say­nètes dont les solu­tions de conti­nuité sont assumées.

Marion Cone­jero fait en effet le choix de pré­sen­ter une ver­sion écour­tée de la pièce de Wede­kind, cou­pant de longs pas­sages comme la réédu­ca­tion de Mel­chior. Le pro­pos ne consiste plus à pré­sen­ter un état de la société à tra­vers la trans­mis­sion de ses valeurs, mais se concentre sur l’intention pre­mière de l’auteur : don­ner à voir les inter­ac­tions dans un groupe d’individualités qui se cherchent, comme en impro­vi­sa­tion. Le carac­tère enflammé – à un moment, entre autres, très habi­le­ment porté par la vigueur de la charge gour­mande et amou­reuse de la langue qué­bé­coise de Gas­ton Miron (La marche à l’amour) – sied bien à l’emportement d’une jeu­nesse flam­boyante, bien que flouée.
Le spec­tacle est léger, enjoué, bien servi par un accom­pa­gne­ment musi­cal pré­gnant, dis­cret, mêlant Fauve, Per­go­lèse, inter­ven­tions orches­trales de l’un des acteurs. Sur un pla­teau vide, comme un chan­tier, les acces­soires rudi­men­taires servent les pro­cé­dés les plus simples, comme le per­cu­tant redou­ble­ment d’une scène sous deux formes divergentes.

Certes, la repré­sen­ta­tion est peut-être par­fois moins sûre dans ses moments les plus dra­ma­tiques, en rai­son même de ses options pour l’efflorescence et pour la sug­ges­tion. Mais le pari de miser sur la spon­ta­néité, la contem­po­ra­néité, l’ellipse et l’hétérogénéité est incon­tes­ta­ble­ment bien mené et réussi : on assiste ravi à une ver­sion fraîche et pétillante de L’éveil.

chris­tophe gio­lito & manon pouliot

L’éveil du printemps

de Frank Wedekind

Adap­ta­tion et mise en scène Marion Conejero

Avec Laure Due­dal, Gaëlle Bat­tut, Lucile Che­va­lier, Paul de Mon­fort, Tho­mas Sil­ber­stein, Bas­tien Spi­teri, Mateo Lavina-Zerkalâ.

Tra­duc­tion Fran­çois Regnault

Musique Mateo Lavina-Zerkalâ

Créa­tion lumière Vincent Mongourdin

Pro­duc­tion Cie Les Chiens Andalous

Au Théâtre de Belleville

94 rue du Fau­bourg du Temple,

75011 Paris • 01 48 06 72 34

reservations@theatredebelleville.com

du 3 au 31 octobre 2018, du mer­credi au samedi à 21h15.

Copro­duc­tion La Mai­son Maria Casa­rès, l’OARA — Office artis­tique de la Région Nouvelle-Aquitaine

Avec le sou­tien de La Mai­son des Arts, La Ferme Saint-Michel, La DRAC Nouvelle-Aquitaine, Le Conseil Dépar­te­men­tale de La Cha­rente, ToGae­ther Production.

Remer­cie­ments Col­lec­tif Fauve (musique “Blizzard”)

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