Mitski fait encore mieux que dans son précédent « Puberty II ». Elle plonge dans le vertige des abîmes et un écheveau de miroirs. Si bien que rappeler — à propos de la sino-américaine — Garbage, Pixies ou Bjork ne résout en rien la clé du charme et de la profondeur d’un album beaucoup moins obsédé par le passé qu’il n’y paraît.
Concis, intense, inspiré et inspirant cet album aux titres qui ne dépassent que deux fois les 3 minutes, Be the Cowboy ne tombe jamais dans la reproduction ou du fac-similé. La pop synthétique est vêtue de grosses guitares – mais juste ce qu’il faut. Elles sont là pour faire dévier les lignes mélodiques attendues en de subtils dysfonctionnements.
La créatrice transforme la douleur autant en puissance qu’en autodestruction. Elle pouvait se prendre les pieds dans des problématiques du rock des années 80 mais la myopie de tant d’approches actuelles et rétro se trouvent soudain remodelée de dérives mélodiques subtilement détournées.
Mitski y joue une fois de plus les séductrices mélancoliques mais transforme les survivances rocks et les dérives nostalgiques dans un habillage des années 10. La nouvelle — mais bien plus jeune Madame Edwarda — crée une voie originale, ambitieuse et personnelle. Les envolées juvéniles sont désormais soupesées par celle qui, feignant de tirer des ficelles, les coupe de manière aussi envoûtante qu’habile.
jean-paul gavard-perret
Mitski, Be the Cowboy, label Dead Ocean, 2018.