Batman est l’un des personnages emblématiques de DC Comics. L’homme chauve-souris lutte contre le crime et tente de faire régner la justice dans Gotham City, autre nom de New York. Il est né de l’imagination de Bill Finger et a pris vie sous le crayon de Bob Wayne. Il apparaît pour la première fois, en mars 1939, dans le numéro 27 de Detective Comics. Mais Batman n’est autre que Bruce Wayne (identité choisie par hasard ?), un play-boy milliardaire propriétaire de nombreuses affaires réunies sous le nom générique de Wayne enterprises.
Comment un des grands maîtres de la bande dessinée franco-belge a-t-il pu obtenir carte blanche pour créer une histoire, en deux albums, de ce superhéros sans pouvoir (Il est simplement surentraîné et dispose de matériels performants et de nombreux gadgets) ?
C’est par une plaisanterie qu’Enrico Marini, lors d’un dîner, amorce le projet, plaisanterie qu’il a regrettée (peu de temps !) quand on lui a offert la possibilité de concevoir une nouvelle aventure de Batman, compte tenu de son emploi du temps très chargé. Mais l’offre était si tentante… La parution des albums est quasi simultanée en France et aux USA.
Bruce Wayne reçoit la visite d’une jeune femme accompagnée d’une fillette de huit ans. Elle lui déclare que c’est sa fille. Elle l’a rencontré quand il est entré dans le bar où elle servait. Il était un peu cabossé. Elle lui a servi un remontant et donné rendez-vous après son service.
Le Joker et sa bande, qui ont dévalisé une bijouterie, sont poursuivis par la police. Batman intervient, mais son ennemi lui échappe en tombant dans le fleuve. C’est en regardant la télévision que le Joker découvre qu’une femme porte plainte contre Bruce Wayne au prétexte qu’il serait le père de sa fille. Germe alors dans le cerveau tortueux du voyou une idée. Pourquoi ne pas kidnapper cette gamine pour obliger Batman à lui rendre un service ?
Si le scénario peut sembler simpliste, servir une intrigue ténue, il n’en n’est rien. Enrico Marini s’approprie le héros, son environnement, lui donne une stature novatrice et le lance à la poursuite du ravisseur. Les albums offrent des scènes de course-poursuite spectaculaires entre le héros et son ennemi, scène où intervient également Catwoman.
C’est l’occasion de plonger dans les rues de Gotham, de suivre les parcours dans les différents quartiers partagés entre richesse et dénuement. C’est donc une longue poursuite que Batman va mener pour trouver où se cache son ennemi, où il a pu séquestrer la fillette.
Mais, si l’action est très présente, l’auteur étoffe les personnages de la saga, développe nombre de questionnements, tant autour de Batman que du Joker. Il fait de ce dernier la véritable vedette de son histoire. Autant Batman est monolithique, sombre, autant son ennemi juré est vivant, vibrionnant, virevoltant, torrentueux dans ses emportements, dans ses excès. Il est cruel mais c’est un être aux multiples personnalités.
Outre la fillette, Marini crée un nouveau personnage particulièrement attachant, en l’occurrence un nain dépressif évoluant dans l’univers du Joker.
Si l’on est séduit par la virtuosité graphique d’Enrico Marini dans ses séries emblématiques telles Le Scorpion, Les Aigles de Rome, ici il se surpasse réalisant des planches magnifiques, des perspectives audacieuses, multipliant plongées et contre-plongées depuis les sommets des immeubles, les bas-fonds…
Les scènes de poursuites comme de combats sont d’un rare dynamisme et d’une grande efficacité. Les personnages sont à l’avenant. Si le Joker est superbement mis en scène, les membres de ses gangs ne déparent pas et Catwoman ne cède en rien à la plastique de Michelle Pfeiffer qui est, sans conteste, la plus sexy de la saga.
À la lecture de ces deux albums, on ne peut qu’être charmé au point de souhaiter ardemment qu’Enrico Marini trouve vite le temps de créer de nouvelles aventures de ce personnage et de ses ennemis.
serge perraud
Enrico Marini (scénario, dessin, couleurs), Batman By Marini : The Dark Prince Charming, Dargaud, t.1 et 2, novembre 2017, juin 2018, 60 et 66 p., 14,99 € l’album.