Un traitement social et romanesque de la mythologie grecque
Zeus, Athéna, Dionysos, Héra… autant de noms qui chantent dans notre mémoire et qui évoquent une civilisation construite autour de leur culte. Mais, comment ces dieux s’inscrivaient-ils dans la société, dans le quotidien des Grecs ? Sonia Darthou propose, dans un essai érudit, d’éclairer cet aspect, d’expliciter ces rapports. La société grecque, comme d’autres civilisations avant elle, développe une religion au pluriel. C’est un polythéisme qui investit tous les espaces du monde, tous les actes. À chaque moment de sa vie, le Grec est confronté à un dieu dont il « perçoit » la présence. Les hommes doivent constamment tenir compte des divinités, les honorer en toute occasion pour ne pas en subir les foudres. Car ces idoles sont particulièrement susceptibles. Malheur à l’humain qui entendrait, ne pas les respecter. La religion est omniprésente : elle rythme la vie personnelle, scande le calendrier civique et fonde l’identité collective, tout comme les sanctuaires des dieux architecturent le paysage et constitue l’ossature du territoire des cités.
Ce polythéisme, issu des mythes cosmogoniques, évolue, s’agrandit avec la descendance des divinités originelles, avec la captation de héros élevés au rang divin. La nature de sa structure oblige à un partage des pouvoirs. Zeus, s’il porte la couronne du dieu souverain, n’en est jamais la divinité omnipotente. Chaque dieu a son domaine de compétences, un r oyaume où il règne en maître et qu’il défend avec pugnacité.
La mythologie grecque présente des dieux qui, bien qu’ils soient largement supérieurs aux hommes, vivent, en fait, comme eux, se débattent face aux mêmes problèmes, sont confrontés aux mêmes difficultés. Ils ont des soucis familiaux, des difficultés conjugales, des amours difficiles, des ennuis de voisinage, doivent faire face à l’ambition, à la concurrence…
L’auteure détaille, pour six dieux (Zeus, Poséidon, Apollon, Dionysos, Hermès et Hadès) et pour six déesses, (Héra, Aphrodite, Athéna, Déméter, Artémis et Hestia) l’histoire de chacun. Elle relate son origine, sa naissance, ses pouvoirs et ses attributs, ses amours, ses exploits les plus retentissants et sa filiation. Sonia Darthou décrit les rites pour chacun et les lieux de culte. Elle termine chaque portrait par sa représentation dans l’art antique et la postérité que lui ont donnée les arts occidentaux. Elle conclut avec l’équivalence dans la mythologie romaine. Chaque chapitre donne, ainsi, une biographie de la déité retenue pas l’auteure. Cette présentation a l’avantage de concentrer en un même récit l’essentiel et de donner une vision précise de la place de ce dieu vis-à-vis des hommes, de la façon dont il a contribué à façonner la société grecque et, par extension, notre propre société qui lui a beaucoup emprunté.
Toutefois, la lecture en continu de ces biographies amène naturellement un sentiment de redite car ces dieux et déesses ont beaucoup vécu ensemble, s’opposant ou se rapprochant selon les circonstances. Cependant, il résulte, de cette évocation, un éclairage novateur plaisant, une redécouverte d’une partie de cette mythologie qui, malgré nous, influence une part de notre quotidien.
serge perraud
Sonia Darthou, Les Dieux de l’Olympe — Les mythes dans la cité, Perrin, avril 2012, 210 p. – 18,50 €.