Dominique Fourcade, Deuil & Improvisations et arrangements

Témoi­gnage des jours d’exil

Hadrien France-Lanord et Caro­line Andriot-Saillant ont sélec­tionné (chro­no­lo­gi­que­ment) les entre­tiens saillants de Domi­nique Four­cade don­nés à l’occasion de la publi­ca­tion de ses livres parus chez P.O.L depuis  Le Ciel pas d’angle l’année de la créa­tion des édi­tions. Four­cade fut un des quelques écri­vains (avec entre autres Marc Cho­lo­denko) qui entre­te­naient avec Pol Otcha­kovsky Lau­rens un rap­port par­ti­cu­lier. Ils res­tèrent — cha­cun dans leur domaine — des com­pa­gnons de route. Et pas n’importe les­quels.
L’éditeur est pré­sent dans ces entre­tiens où l’auteur pro­longe sa réflexion sur l’écriture au fil de ses étapes. Four­cade ne les consi­dère pas comme de simples inci­dences. Sous forme certes d’improvisations et arran­ge­ments, l’auteur a pu faire le point — en le dépla­çant for­cé­ment par de tels exer­cices — sur son travail.

Néan­moins, ce livre passe for­cé­ment « der­rière » le livre appa­rem­ment de cir­cons­tance qu’est  Deuil. Mais ce court texte est bien plus que cela. Il ne sonne pas for­cé­ment comme un « In memo­riam » ou un hom­mage parmi d’autres. Une fois reçu l’annonce de la mort acci­den­telle de l’éditeur, l’auteur se demande com­ment faire face à cette dis­pa­ri­tion qui, dans le vide qu’elle crée, laisse sinon sans voix du moins sans pos­si­bi­lité de livre.
L’auteur pour l’heure ne se voit pas en état d’en publier un nou­veau. Il demeure rivé à ce coup reçu. Il se demande com­ment l’absorber et le résoudre. Le texte en repons à la dis­pa­ri­tion relève autant du désir que de l’effroi. Il donne « corps » à une élé­gie qui fait écho à celle d’Emmanuelle Pagano (publiée sur le site des éditions)

Deuil est donc le témoi­gnage des jours d’exil, entre auto­bio­gra­phie et sou­pir. Four­cade est obligé d’accepter ce qu’il refuse mais que le des­tin a décidé. L’homme et l ‘œuvre sont en sus­pens. Rien n’en décide encore. Si livre il y aura sa forme vien­dra de l’intérieur mais — dit-il en résumé – « de l’intérieur de quoi ? et de qui ?». Reste un cor­pus où la loi de l’inachèvement suit son cours comme seule « preuve » pro­vi­soi­re­ment accom­plie.
Comme elle est la preuve qu’une lit­té­ra­ture « modèle » ne peut pas exis­ter. Elle est donc empê­chée et ne peut se pour­suivre de manière héroïque ou plus penaude. Le silence est seul maître. Il faut attendre avant qu’elle reprenne vie afin que l’auteur en délivre un « modèle réduit » — ou majeur, plus sûrement.

jean-paul gavard-perret

Domi­nique Four­cade,
– Deuil,
– Impro­vi­sa­tions et arran­ge­ments
,

P.O.L Edi­teur, Paris, 2018.

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