Caroline Simard-Laflamme, Jardin de parole, étoffe de la mémoire, tissu de la vie (exposition)

A l’épreuvre d’un autre temps des cathédrales

Les frag­ments de tex­tile de Caro­line Simard-Laflamme sont des chan­delles où le mul­tiple fait le jeu de l’un. Par les struc­tures, la fibre et les lam­beaux se tisse en assem­blages épars-disjoints ce qui défie l’espace et le temps – fût-il celui des cathé­drales où sou­vent l’œuvre s’insère. Avec ses 6000 minus­cules « Robes-semailles » fabri­quées à par­tir de frag­ments de tis­sus ayant appar­tenu à plus de 400 artistes de toutes dis­ci­plines et de cultures dif­fé­rentes, l’artiste du Qué­bec a déjà créé une mosaïque tex­tile monu­men­tale que n’aurait pas reniée Annette Mes­sa­ger.
Elle pour­suit ce tra­vail en tenant en exergue ou comme cap les mots de Proust : « Nous sommes tous un frag­ment de l’autre. » A par­tir de là, elle invente une méta­ma­thé­ma­tique d’un lan­gage fait de struc­tures poé­tiques jusqu’à mon­ter ses « Robes » en trois ins­tal­la­tions immenses (Le jar­din de ma mère, la robe des nations, la robe cathé­drale), Il existe dans de tels élé­ments un édi­fice reli­gieux d’un genre particulier.

S’y égrainent — qui sait ? — moins des cha­pe­lets du rosaire que des pen­sées athées, des fan­tasmes trans­lu­cides, des cha­leurs du tour­ment. Si bien que s’y entendent des messes basses de petit matin où per­sonne ne souffre du péché de la chair. Bien au contraire. Du corps, de telles figures en font leur quatre heures, leurs cinq à sept, leurs vêpres sans que jamais ne soir pro­noncé le moindre « ite missa est ».

Carole Simard-Laflamme ras­semble donc des preuves intimes (de sa mère) ou géné­rales du tra­vail humain et d’une culture uni­ver­selle. Mais de telles struc­tures deviennent des sortes de fan­tômes et des lam­proies avec ça et là un gon­fle­ment d’écume sous d’interminables voiles. Un tel tra­vail échappe à sa créa­trice. Car der­rière le tra­vail conscient de restruc­tu­ra­tion, par le lam­beau, se des­sine un monde bien étrange.
La crypte – par essence fémi­nine – retient le monde, le fait reten­tir d’évidences incon­nues dans les val­lées de l’onirisme. Il y a là d’implicites coups de triques mys­tiques qui font remuer les pelages tex­tiles. Et tout devient épique. Plus ques­tion pour l’artiste d’apprendre le morse aux ogres.
Il faut qu’ils se débrouillent tout seuls avec ce que les œuvres de l’artiste leur accordent pour tout via­tique. A eux d’apprendre ce nou­veau langage.

jean-paul gavard-perret

Caro­line Simard-Laflamme,  Jar­din de parole, étoffe de la mémoire, tissu de la vie,  Musée des beaux arts de la Cohue, Vannes, du 16 juin au 30 sep­tembre 2018.

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