Ni nom de famille, ni famille de nom “Lamarche-Vadel” possède une valeur performative. Ce nom crée une communion, une fiction entre l’auteure et son futur mari (Bernard Lamarche). Existe dans ce double nom un double avènement qui échappe aux histoires anciennes. Cette identité fut créée en 1968 de manière novice avant de devenir un objet de réflexion et d’écriture. Elle donna d’abord une publicité tapageuse à une union libre que l’auteure considéra comme un geste autant politique que d’amour.
Le couple s’offrait un commencement perçu comme une transgression où la femme va d’elle à la marche avec en guise d’union le tiret de la plasticité articulatoire. Les deux créateurs créent une opposition à la « signature divine » par reprise et contre la séparation. Une tension est donc créée et le tiret la joint même s’il « tire vers l’union mais crée une désintégration ».
Ce double nom suturé est émis d’un côté au nom d’Artaud pour Lamarche, de Derrida pour sa compagne afin de créer une nouvelle filiation des possibles. Mais il reste de fonction d’usage, n’étant pas officialisé légalement. L’auteure y voit un défi. Jamais concrétisé sinon par les écrits des deux auteurs, ce nom « impossible » fait de leurs propriétaires une sorte d’au-dessus d’incarnation qui circule plus au profit de Bernard-Lamarche Vadel que de son ex-femme.
Et c’est bien là un problème pour Gaétane. Son nom est devenu celui de son autre surtout après leur séparation. Si bien que, pour elle, son prénom reste sa seule identité. Comme si un piège s’était refermé. Le réenchantement qui la grisait s’est donc grisé. Avec regret : mais il fait de ce livre bien autre chose que celui d’une perte.
jean-paul gavard-perret
Gaétane Lamarche-Vadel, Le double nom, Verticales, Gallimard, 2018.