René de Ceccaty, Elsa Morante, une vie pour la littérature

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L’Elsaméron

René de Ceccaty souligne combien Elsa Morante reste dans la littérature italienne une énigme dont la vie est parcourue de biens des secrets. S’y mêlent le romanesque à l’existence. Celle qui naquit dans le quartier pauvre (aujourd’hui à la mode) du Tastaccio à Rome ne serait pas la fille de son père officiel. Homosexuel, il avait trouvé pour son épouse un vrai mâle qui lui fera plusieurs enfants.
Ttout dans la vie d’Elsa Morante repose sur un montages de ruses d’affabulations mais aussi de vérités. Dans son roman « L’île d’Arthur » (1957), le personnage du père évoque troubles et confusions qui ne cesseront de se multiplier dans ses autres romans. Quant à la mère – ambitieuse pour sa fille – certains prétendent qu’elle serait l’auteur des premiers écrits de la romancière dont l’œuvre prêtera toujours à discussion.

Elle ne devra l’obtention du prix Viareggio (partagé avec Aldo Palazzeschi) que par des manœuvres en sous-main de l’éditeur et d’Alberto Moravia qu’elle a rencontré en 1936 et épouse 5 ans plus tard. Et si l’existence du couple ne tient pas sur une fidélité sexuelle réciproque, la mystique Elsa Morante refusera de rompre son mariage jusqu’à ce qu’elle y soit contrainte et forcée lorsque Moravia fera de Dacia Maraini sa compagne officielle. Mais Elsa jouit déjà à l’époque du statut d’égérie d’un milieu intellectuel mondain et gay sur lequel elle impose une sorte de tyrannie tout en offrant parfois une aide appréciable dont bénéficiera Pasolini.
Partagée entre insatisfaction affective notoire et une certaine haute idée d’elle-même, Elsa Morante restera un personnage fort et faible se fendant d’amours vouées à l’échec envers des homosexuels (dont Lucchino Visconti qui rejette sine die ses avances). S’appuyant sur un grand nombre d’archives, de Cecatty, grand connaisseur de l’Italie, offre ainsi un ouvrage documenté et toujours à bonne distance de l’adoration. Il donne une vision complexe de celle qui peut autant agacer que bouleverser et dont la vie reste à elle seule une oeuvre.

jean-paul gavard-perret

René de Ceccaty, Elsa Morante, une vie pour la littérature, Editions Taillandier, Paris, 2018.

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