Un thriller gore qui conjugue cynisme et fantastique
Josep Pla élève des autruches. Comme dans le cochon, tout est bon. Il vend la viande, la peau, les plumes… Pour l’heure, il frappe haineusement son épouse avec une masse, lui met la tête en bouillie et jette le corps dans un puits à sec. Au téléphone, il explique à son correspondant qu’il l’a fait…
En rentrant chez lui, il retrouve Dora, son épouse depuis treize ans, bien vivante. C’est auprès de son correspondant qu’il émet son incompréhension. Le lendemain, Isabela, la fille de Dora, arrive. Elle va avoir dix-huit ans et a profité de la grève des enseignants pour venir plus tôt. Face à sa mère, elle exprime son mépris et sa haine pour son beau-père. Mais c’était Isabela la correspondante de Josep quand il assassinait Dora. Ils sont amants et s’entendent pour se débarrasser de la femme, récupérer l’argent et vivre leur amour.
C’est Isabela qui se charge, cette fois, de tuer sa mère. Mais…
Zidrou s’appuie sur une chanson écrite par Edmond Bouchaud, dit Dufleuve, en 1908 pour initier son scénario. Cette chanson raconte les malheurs d’une jeune fille qui subit les pires outrages mais qui : “Le lendemain, elle était souriante. À sa fenêtre fleurie chaque soir…” Il transpose l’idée de cette chansonnette dans un décor qui n’est pas identifié mais que l’on pourrait assimiler au Bush australien avec l’élevage des autruches. Il livre d’ailleurs nombre de détails sur cet oiseau géant depuis la méthode d’élevage jusqu’aux caractéristiques du volatile.
Si l’on en croit des légendes hindouistes et égyptiennes, les chats auraient neuf vies. Zidrou utilise-t-il ce fond de croyance pour l’appliquer aux humains ? On peut le penser en suivant la progression de l’intrigue musclée, portée par des individus menés par des sentiments primaires, que propose le scénariste. Mais celui-ci a plus d’un tour dans son sac à malices et réserve à ses lecteurs une chute dont il a le secret.
Benoît Springer opte pour un dessin réaliste, au trait appuyé. Il privilégie d’abord les personnages avant les décors, laissant souvent les fonds de ses vignettes vides. Il donne à ses protagonistes une expressivité puissante, celle d’individus en crise, animés par des émotions extrêmes. Il rend parfaitement cette ambiance gore, faite d’épouvante.
Avec La petite souriante, Zidrou ne déroge pas à sa règle et surprend une fois encore par le sujet et le traitement de son intrigue.
serge perraud
Zidrou (scénario), Benoît Springer (dessin), Benoît Springer & Séverine Lambour (couleur), La petite souriante, Dupuis, février 2018, 72 p. – 14,50 €.