Une délicieuse approche d’une science mal-aimée
L’auteur consacre une grande part de son énergie à promouvoir, faire découvrir, donner une autre image aux mathématiques en montrant que ce n’est pas la science absconse que nombre de personnes veulent bien décrire. Il en fait un domaine où l’on croise la beauté, la poésie et montre, démontre, qu’elles sont surprenantes, jubilatoires et captivantes. Dans ce livre, il souhaite retracer l’évolution des ces mathématiques depuis leur émergence jusqu’à nos jours.
Mickaël Launay retient comme point de départ la région mésopotamienne du VIIIe millénaire avant notre ère. Les habitants de ces contrées se sédentarisent. Il faut stocker, donc fabriquer des contenants et, pour faire plus joli, les décorer. C’est la naissance des frises, des motifs géométriques et des symétries. Puis, c’est les troupeaux qu’il faut compter, d’abord avec des jetons d’argile qui, plus tard, prendront le nom latin de calculi (petits cailloux), ce qui donnera naissance au mot calcul. Le même d’ailleurs pour les petits morceaux de calcaire qui se détachent, par exemple, de la paroi des reins !
Naît aussi le besoin d’estimer la surface des terrains, d’évaluer des distances. Ce seront les bématistes, ces hommes qui ont pour tâche de mesurer en comptant leurs pas. Alexandre le Grand en emmènera lors de sa campagne d’Asie. Leurs évaluations, sur des espaces énormes, ont un écart de moins de 5 % par rapport aux distances réelles !
Le mathématicien passe en revue toutes ces avancées spectaculaires qui nous sont si familières qu’on ne se pose pas la question de leur origine, comme si elles avaient été là de tout temps. Pourtant le nombre d’or, la triangulation sont approchés depuis la fin du premier millénaire avant notre ère. Ce n’est, par exemple, qu’en 1647 que l’Anglais William Oughtred utilise la lettre grecque π pour désigner le rapport d’Archimède. Ce n’est qu’en 1460 que l’Allemand Widmann emploie les signes + et – pour l’addition et la soustraction. Les savants indiens feront progresser cette science de façon spectaculaire en écrivant des traités plus faciles à diffuser. C’est Bhaskara qui est le premier à écrire le zéro sous forme d’un cercle et à promouvoir le système décimal. Les dix chiffres dénommés habituellement chiffres arabes sont indiens !
Avec beaucoup de verve, Mickaël Launay rapporte la naissance des probabilités, les coordonnées cartésiennes et l’émergence des machines qui vont bouleverser les capacités de calculs. Mais la présentation des avancées mathématiques est intégrée dans les grands courants qui ont secoué le monde, les conquêtes, les invasions des hommes qui, par leur action, sans le vouloir, ont fait évoluer cette discipline. L’auteur cite nombre de personnages, donne des exemples, explicite, précise et vulgarise de belle manière. Il fait rencontrer celles et ceux qui ont contribué a en faire ce que nous connaissons aujourd’hui, sachant qu’il reste tant de zones d’ombre à explorer.
Il est certain que des puristes n’y trouveront pas leur compte car l’auteur est amené à rester succinct sur certaines démonstrations. Sinon, aller trop loin serait contraire au but recherché : informer et rendre accessible au plus grand nombre le plaisir du calcul.
Un livre passionnant, très complet, abondamment documenté qui se lit avec un grand plaisir, riche en informations de toutes natures sur tous les domaines qui composent ces mathématiques qui semblent si impénétrables.
serge perraud
Mickaël Launay, Le grand roman des maths, J’Ai Lu n° 12008, coll. Document, janvier 2018, 320 p. – 7,40 €.