Carol Riu développe une recherche originale autour du dessin, de la découpe et de l’ouverture par le Leporello (de pliage en dépliage) mais aussi par l’exposition murale. Elle explore les thématiques de la cartographie, du territoire, de la frontière, de l’hybride, de l’animal, de l’humain. Le support devient fin rideau, grand lit voire un ciel.
Une femme parfois y règne. Elle se perd – ou se retrouve – sous des trames, des trous dans les nuages, des flaques sur le sol. La robe de givre qui la drape depuis le matin lui fait passer le jour et puis le soir dans un toucher de soie. Que faisait-elle l’hiver quand l’amour n’avait pas d’imparfait ? L’artiste ne le dit pas : elle préfère élancer ses modèles vers des lieux inconnus.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Ma prochaine exposition à la galerie L’œil du huit (Paris, mars 2018).
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je les réalise un peu plus chaque jour.
A quoi avez-vous renoncé ?
Un salaire mensuel confortable
D’où venez-vous ?
De l’origine du monde.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
L’énergie, l’ambition.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Boire un petit café à une terrasse parisienne de préférence ensoleillée — dans cet interstice vient se glisser un moment de rêverie propice à la création.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
J’essaye d’être moi-même.
Comment définiriez-vous votre approche du corps des femmes ?
Corps fragmenté, mouvant, dansant, associé à l’animal, hybride.
Autoportrait et portraits, les filles, les sœurs, les enfants.
La féminité, la chevelure, devient lien, et se transforme en racines.
Les têtes tournées, des visages sans regard , et les yeux qui sont la où
on ne les attends pas .
Des dessins inspirés par mes voyages en Toscane, Florence, l’église
Santa Croce, et les sculptures de la salle Pujet du Louvre, me nourrissent à travers les coiffures et les positions des têtes.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Les clowns de James Ensor, un tableau très joyeux et macabre à la fois, le journal de Delacroix au Maroc.
Et votre première lecture ?
Je me suis nourrie très tôt de la philosophie de Platon puis Socrate. J’ai dévoré ensuite les œuvres de Cocteau comme «Les enfants terribles ».
Quelles musiques écoutez-vous ?
Je n’écoute pas vraiment de musique, plutôt la radio, France Culture toute la journée en alternance avec du Jazz.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
En ce moment, je relis « Infra Rouge » de Nancy Huston un roman qui se déroule à Florence , ou j’aime retourner fréquemment en alternance avec «Le manifeste des crapauds fous » de Thanh sur le tsunami et les algorithmes.
Jongler entre l’art , la renaissance italienne et le présent, voir une projection dans le futur à transformer chacun à sa manière.
Quel film vous fait pleurer ?
De joie ou de tristesse ?
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Ma pomme et en arrière-plan mes dessins.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Au père Noël, H. Delprat, j’ai adoré son carnet de Vérone, je suis une fidèle lectrice de son journal, qui m’inspire et me motive. Et me fait souvent rire aussi.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Syracuse pour son patrimoine historique, les vieux quartiers, Florence et les sols de ces églises.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
En ce moment, Favier pour ces petits dessins sur carte, mais aussi H. Delprat pour ces carnets italiens.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une résidence d’artiste à la villa Médicis de Rome.
Que défendez-vous ?
Je me défends de me prendre au sérieux.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Donner sans compter ni attendre en retour.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Accepter, recevoir
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Quelle est votre projet artistique ? En devenir…
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 27 février 2018.