Les Éditions L’Eveilleur republient le roman de Jean Forton édité chez Gallimard dans les années 50 Le Grand Mal. L’auteur est à tort un oublié. Dans ce livre (le plus réussi sans doute), il sait restituer les pensées d’un enfant qui découvre la vie. Il se « fait » (comme on dit d’un fromage) en oubliant ses peurs mais en multipliant des « conneries » au moment où dans la ville rôde un tueur en série.
Cinq jeunes filles d’un collège privé disparaissent en cinq mois. Le père du héros a sa théorie sur ces meurtres mais le fils les trouve dérisoires. D’autant qu’il commence à mépriser tout le monde sauf Nathalie qui devient le fantasme de l’amour absolu et éthéré et non sa version physique qui néanmoins travaille l’adolescent.
Mais le frère de l’aimée est dangereux, inquiétant. Il pousse le héros vers l’irréparable d’autant que ce dernier est prêt à tout pour conquérir l’aimée et s’affirmer quitte à détruire les autres. Il va même devenir l’assassin du faux tueur. Tout tourne donc au tragique sauf à l’ultime fin et les derniers mots du livre « Lui aussi oubliera ». Et le grand mal tient à cela : l’oubli de la faute commise. Ou si l’on préfère la capacité à devenir adulte….
Faisant parler son héros, le romancier prouve combien l’enfance est trouble. Son héros s’arrange — au sein d’un narcissisme subtilement exprimé — pour mêler les forces obscures maquillées sous un visage d’ange. Plus qu’un roman à thèse (l’auteur les détestait), son livre est l’expression de la souffrance et de l’erreur. Et l’auteur n’aura jamais varié dans cette position et son écriture.
jean-paul gavard-perret
Jean Forton, Le grand mal, L’éveilleur, Bordeaux, 2018 — 18,00 €.