Steve Reich et Philip Glass sont à la musique contemporaine et au minimalisme ce que les “Beatles” et les “Rolling Stones” furent à la musique pop. Difficile de les départager sinon selon des histoires de goûts, de sensibilités auditives et de subjections affectives. Les deux restent les expérimentateurs (avec John Adams et quelques autres) de différents types de boucles, variations, séquençages.
Glass a été plus enclin à des recherches qui incluent des mixages vocaux au sein de ses « opéras ». Reich est resté sur une voie plus instrumentale en l’ouvrant à des éléments épars qui sont devenus plus présents après l’expérience de l’album « Reich Remixed » où des classiques du compositeur furent repris par différents acteurs de la scène « Techno » (pour faire simple) : Nobuzaru Takemura, Howie B, Coldcut, etc.
Dans ce nouvel opus, il ne s’agit plus de transformer les règles de la composition comme Reich le fit avec « Sextet », « Music for 18 musicians », « Drumming » et à un degré moindre « The Cave ». Mais l’artiste sait récupérer — dans le bon sens du terme — les influences de jeunes créateurs. En 2012 déjà, « Radio Rewrite » fut influencé par sa rencontre avec le guitariste de « Radiohead » Jonny Greenwood.
Dans ce nouvel album se perçoivent des lignes influencées par Giorgio Moroder et Daft Punk, au moment où, dans « Pulse » apparaissent les chœurs de l’ « International Contemporary Ensemble » et une nappe de cordes propres à suggérer un son quasiment électro. « Quartet » est moins complexe, plus « jazzy » dans tout un jeu de piano et de vibraphone écrit pour les percussionnistes préférés du créateur, le « Colin Currie Group ».
Les amateurs de Reich seront ravis. Sans renouveler véritablement son écriture il la peaufine, joue de détails subtils dans la construction de ses répétitions et variations. Reich reste le maître capable d’enclencher de petits mouvements en un réseau de quintessences. Elles semblent statiques mais proposent des suites d’avancées que Reich sut mettre en évidence dès sa première œuvre mais qui sont reprises ici de manière plus ample c’est-à-dire — et paradoxalement — plus éteinte mais mélodique aussi.
Peu à peu Reich s’éloigne du réel : il pénètre des zones de sons suspendus au-dessus du vide et du silence.
jean-paul gavard-perret
Steve Riech, Pulse, Quartet, Nonesuch, 2018.