Un jeu original de créativité
Jean-François Le Goff crée une tentative de rencontre entre deux maîtres qui lui manquèrent : « C’est leur absence qui motivait mon espoir un peu forcé et artificiel de dialogue qui ne pouvait avoir lieu : aucun dialogue ne se décrète de l’extérieur ». Néanmoins, un montage a lieu afin de proposer un écho entre deux hommes et leur oeuvre. En parallèle, il s’agit de sortir Orwell des militants d’idéologies communistes qu’il n’approuvait pas mais dont il est devenu otage et de dégager Winnicott de tous ceux qui, pour faire leur beurre, se réclamèrent de son nom sans partager son expérience clinique ni son atout majeur : « ce qu’il faut de secret pour provoquer la pensée ».
Au lieu d’accumuler des commentaires qui engluent la liberté des deux maîtres, J.-F. Le Goff se permet un jeu original de créativité pour un tel face-à-face ou mano à mano. Le livre permet une synthèse : les deux créateurs se sont mis au service de divers démunis — qui trouvèrent grâce à eux des raisons d’espérer.
Les deux caressaient l’idée de changer le monde et beaucoup se sont servis de leur principe selon des voies qui n’étaient pas les bonnes, préférant agiter leur bol que battre leur crème. Winnicott et Orwell accordèrent au don et à la réception quels qu’en soient les acteurs des valeurs originales. Ils se contentèrent d’ailleurs du premier principe : le souci de l’autre et la disponibilité à la réciprocité le cas échéant mais sans rien solliciter. Il s’agit d’une ascèse et d’un apostolat : ceux qui se réclamèrent de leur « science » en furent souvent incapables.
jean-Paul Gavard-Perret
Jean-François Le Goff, Des gens ordinaires (avec George Orwell et Donald Woods Winnicott ), Gallimard, coll. “Le principe du plaisir — connaissance de l’inconscient”, Paris, 2018, 152 p. –16,50 €.