Originaire de Los Angeles, Eels est un groupe de rock expérimental fondé par Mark Oliver Everett en 1995. Il connut un succès immédiat et international avec un album exceptionnel Beautiful Freaks dont la pochette représente une fillette aux yeux démesurément écarquillés. Suivent un certain nombre d’albums de moins grande originalité. Chaque fois, l’auteur compositeur choisit des musiciens en fonction de ses aspirations du moment avec comme seul point fixe, le batteur Jonathan « Butch » Norton.
Eels recherche chaque fois un mélange des sonorités éthérées avec de la pop massive et — souvent — celle d’un « toy piano », instrument préféré de Everett. L’essentiel de cette musique garde un caractère dépressif qui reste une marque de fabrique accentuée par une série de drames qui touchent le créateur et dont l’album Electro-Chock Blues est largement imprégné avant l’anecdotique et confus Souljacker (2001).
Olivier Everett trouve à cette époque son look de rocker hispter et avec Shootenanny revient à des mélopées blues avant d’évoluer vers des titres plus orchestraux avec des musiciens classiques aux cordes. Après quelques années d’absence, et avec Hombre Lobo (2009), Eels revient au rock saturé puis au folk et avec des compositions plus collective avant leur onzième album The Cationnery Tales of Mark Oliver Everett.
Ce douzième album est dans la même veine que le précédent mais les recherches sont plus pertinentes, impertinentes et inventives. Se retrouve, certes sur un autre plan, la sophistication du premier album. Il y avait donc bien longtemps que les Californiens n’avaient atteint un tel degré de perfection en prouvant que, dans un monde devenu fou, la beauté est toujours possible.
The Deconstruction est à la fois ambitieux dans son propos et parfaitement accompli dans sa réalisation. L’atmosphère de spleen est transcendée par des montages/démontages d’un haut niveau créatif tant sur les plans des textes que des atmosphères sonores. Elles se rapprochent d’une musique à la fois de recherche mais parfaitement envoûtante. L’œuvre semble créée à la fois pour supporter l’existence et pour la soulever afin de corriger le temps plus ou moins revenant.
S’ouvrent des seuils en une composition de réseaux de sens et de lignes mélodiques subtiles.
jean-paul gavard-perret
Eels, The Deconstruction, 2018.