Wilfrid Lupano & Jean-Baptiste Andreae, Azimut — t.4 : Nuées noires, voile blanc

Quand l’inventivité prime…

Les uni­vers de Wil­frid Lupano se suivent mais ne se res­semblent pas. Quels liens peut-on faire entre cette série si inven­tive, ce conte aussi ingé­nieux que riche en péri­pé­ties et Tra­que­mage, sa nou­velle série chez Del­court où il met en scène un ber­ger tra­quant les magi­ciens qui ont la mau­vaise idée de lui pour­rir la vie ?
Avec Azi­mut, le scé­na­riste joue une sym­pho­nie basée sur les consé­quences de la perte de repères dans une civi­li­sa­tion. Il a com­mencé avec la dis­pa­ri­tion du Nord et com­pli­qué les évé­ne­ments en dérè­glant le temps avec toutes les varia­tions qu’on peut trouver.

Le che­va­lier Quen­tin de la Pérue, qui a réac­tivé par inad­ver­tance le dieu-machine, ren­contre la grosse femme dans son ate­lier. Elle tue le temps en fabri­quant ces oiseaux méca­niques qui génèrent les pré­cieux saugres. Elle raconte que leur quête d’immortalité, avec l’Arracheur de temps, touche à sa fin, celui-ci ayant de plus en plus de mal à se pro­cu­rer du sub­stemps. Cette dame montre un por­trait d’elle lorsqu’elle était jeune, avant cette recherche de l’immortalité. La Pérue remarque une étrange res­sem­blance avec Manie…
Dans le palais de Baba Musiir, le maître du désert, on apprête la belle Manie Ganza pour son mariage. Elle sera la 103e épouse, la nou­velle favo­rite. Celle-ci, cepen­dant, est per­sua­dée que cette union n’aura pas lieu car l’Arracheur de temps, jaloux, aura volé la quasi-totalité des jours qui res­taient à vivre à Baba, pen­dant son som­meil. Or, ce der­nier n’a pas besoin de dor­mir car il prend, chaque jour, une anti­datte, fruit de son mythique pal­mier anti­dat­tier.
Sur les murailles du palais de Baba, la Dame des sables hisse Eugène, le peintre, le major Oreste Picote et la Tor­tue. Ils viennent déli­vrer Manie. Alors que la reine d’Ether conti­nue la traque de sa fille, la guerre entre le Petit­ghis­tan et le Royaume du désert va éclater…

Lupano conduit une gale­rie de per­son­nages, où se mêlent humains et ani­maux, tous plus sin­gu­liers les uns que les autres, leur attri­buant des rôles et des patro­nymes déso­pi­lants au pos­sible. Mais, sous la comé­die, sous ces dia­logues pétillants d’humour, ces situa­tions dro­la­tiques à sou­hait, sous un ton qui paraît léger, le scé­na­riste pointe les tra­vers les plus détes­tables de la nature humaine, dénonce des situa­tions ahu­ris­santes pour la dignité des indi­vi­dus.
Ce qua­trième tome, ô com­bien dyna­mique !, est riche en révé­la­tions, tout en lais­sant encore nombre de ques­tions sans réponses, en par­ti­cu­lier toutes celles rela­tives à l’Arracheur de temps.

Jean-Baptiste Andreae assure un superbe gra­phisme, osant des mises en scènes de toute beauté, jouant avec brio de ses qua­li­tés de colo­riste, variant avec maes­tria les tona­li­tés selon les décors. Il des­sine des per­son­nages sin­gu­liers, met­tant peu en valeur le phy­sique des pro­ta­go­nistes mas­cu­lins, mais don­nant aux femmes éclat et beauté, formes et volupté.
Azi­mut, d’albums en albums, confirme son sta­tut de série de carac­tère, ser­vie par deux créa­teurs au som­met de leur art.

serge per­raud

Wil­frid Lupano (scé­na­rio) & Jean-Baptiste Andreae (des­sin et cou­leurs), Azi­mut — t.4 : Nuées noires, voile blanc, Vents d’Ouest, coll. “Hors Col­lec­tion”, jan­vier 2018, 48 p. – 13,90 €.

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