Né à Indianapolis dans l’Indiana, Wes Montgomery a étudié la guitare en autodidacte comme beaucoup de musiciens noirs. Il devient l’héritier de Charlie Christian, mais utilisant le pouce à la place d’un médiator il invente instinctivement son style : le son devient par cette manière plus organique au moment où le musicien prend l’habitude de jouer les mêmes dans deux registres différents, ce qui deviendra son langage spécifique.
Il est très vite repéré par Lionel Hampton, part en tournée avec lui, puis retourne à Indianapolis. Tout en travaillant dans une usine ; il fonde le Montgomery Quintet et joue occasionnellement dans les clubs où le saxophoniste Cannonball Adderley l’entend et lui propose d’enregistrer un disque sous son nom chez Riverside Records. Deux semaines après la signature, il part pour New York et enregistre en trio avec l’organiste Melvin Rhyne et le batteur Paul Parker. Déjà tout est là : le sens inné du blues et le pouce qui roule à grande vitesse à travers les six cordes. Wes s’impose d’emblée comme un grand guitariste jazz. Son disque « The Incredible Jazz Guitar of Wes Montgomerry » restera un de ses meilleurs albums.
Wes quitte Indianapolis pour San Francisco où il enregistre comme il le fait en parallèle à Los Angeles et New York, sous son nom (entre autres avec Wynton Kelly, Paul Chambers et Jimmy Cobb) mais aussi en accompagnateur. Le son de sa Gibson est de plus en plus feutré. Il change de label et passe chez Verve où les idées originales du producteur Creed Taylor font évoluer sa musique.. En 1964, son unique tournée en Europe va être un succès. Quelques saisies sonores sont faites dont « Live In Paris 1965 » au Théâtre des Champs Elysées avec le trio Harols Mabern (piano), Arthur Harper (Basse), Jimmy Lovelace (drums) et Johnny Griffin en invité. C’est un must absolu de pur Hard Bop sans aucune compromission ou dérives commerciales.
Dès le premier titre du set « Four on six » le swing et l’énergie de Montgomery sont là et ne se quittent pas, soutenus par les échos pianistiques de Mabern. La performance jazzistique instrumentale est parfaite. Aucun apparat dans les phrasés : juste le don de la mélodie et du tempo : on est parfois (avec un titre comme « The girl next door ») près d’un « Smooth Jazz » mais le blues n’est jamais loin.
Certes, suivront des disques tout sauf anecdotiques — « A day In The Life », « Down here on the Ground », « Road Song » - mais cet album (remasterisé par Bernie Grundman) reste un sommet discographique de Montgomery. La maîtrise du son est exemplaire là où l’artiste ne tombe jamais dans un jazz « easy listening ». Wes décédé trop tôt reste le passeur entre Charlie Christian et des guitaristes tels que George Benson ou Pat Metheny. Sans aucune théorie musicale il a entraîné la guitare en un espace de modernité et ce, de manière presque instinctive ne sachant pas que certains de ses accords et que son jeu semblaient pour beaucoup impossibles.
jean-paul gavard-perret
Wes Montgomery, Wes Montgomery in Paris — The Defintive ORTF Recording, Resonance Records, Bertus, 2018. Sortie le 28 janvier.