Une nouvelle mission à hauts risques
Si le personnage de Lady S, alias Suzan Fritroy, Shania Rivkas, est une création de Jean Van Hamme au scénario et de Philippe Aymond au dessin, c’est ce dernier qui continue seul la série depuis le tome 10. Celui-ci se révèle un scénariste de talent qui confirme ce que les lecteurs avaient pu découvrir avec son diptyque Highlands (Dargaud).
Lady S a repris son vrai nom et milite dans l’ONG Action 19. Elle arrive à Paris, accueillie par un membre de l’équipe locale pour rencontrer Badou Ndiama. Elle vient négocier un retour des équipes d’Action 19 expulsées du Mawali. Ayant sauvé la vie de son fils, il y a quelques années à Riga, elle espère pouvoir l’approcher.
La responsable du groupe arrive avec une vidéo qui montre Lomumbo, un criminel de guerre que l’agence parisienne voudrait bien faire comparaître devant la Cour Pénale Internationale. L’entretien avec l’ambassadeur ne débouche pas car, d’après lui, les équipes ont outrepassé leurs droits. Lomumbo a rétabli l’ordre dans la province dont il a la responsabilité et il a le soutien du Président.
Alors que Shania fait son footing, elle est rejointe par un agent de la CIA. L’agence veut absolument connaître l’informateur qui renseigne Action 19 sur Lomumbo. Or, celui-ci est signalé à Paris, mais introuvable dans les palaces où il descendait habituellement…
La série Lady S plonge les racines de ses intrigues dans l’effondrement du régime communiste en URSS et dans les suites de la fuite éperdue d’une cambrioleuse de haut-vol. Si l’univers souterrain du renseignement est très présent, il est axé sur les milieux diplomatiques et des contextes géopolitiques. Parallèlement, la jeune femme est rattrapée sans cesse par un passé douloureux qui recèle bien des mystères.
Dans cet album, le scénariste reste dans le monde diplomatique en mettant en scène une dérive du droit d’asile. S’il est heureux qu’une ambassade soit, à l’instar des églises au Moyen Âge, un lieu « inviolable » pour accueillir ceux qui sont persécutés, il y a un revers à la médaille. Un criminel, soutenu par un régime tout aussi criminel, peut être ainsi à l’abri de toutes poursuites judiciaires. Mais, le scénariste et son héroïne ont plus d’un tour dans leur sac et trouvent une parade.
Philippe Aymond joue à merveille avec toutes les possibilités d’espionnage offertes aujourd’hui par les réseaux sociaux et les réseaux numériques. Avec son dessin réaliste, académique, solide, puissant, Philippe Aymond met en images une intrigue astucieuse et d’une belle créativité. La mise en couleurs de Sébastien Gérard met en valeur l’atmosphère du récit.
Avec Crimes de guerre, Philippe Aymond propose un treizième tome très réussi qui laisse penser que la série a encore de beaux jours devant elle.
serge perraud
Philippe Aymond (scénario et dessin) & Sébastien Gérard (couleurs), Lady S — t.13 : Crimes de guerre, Dupuis, novembre 2017, 48 p. – 12,00 €.