Toute musique qui nous atteint déclenche un cinéma intérieur. Son flux apparaît, disparaît au gré des niveaux d’attention à son flot. Mais il est des créateurs dont le but est de féconder en nous une germination latente, une vaporisation dont le tissu se métamorphose en voile au-delà de la musique telle qu’on la conçoit. Andrea Borghi la déchire et la creuse. L’artiste sonore, compositeur de musique électroacoustique et enseignant en arts basé en Toscane expérimente le nappé sonore à l’aide de divers matériaux en tant que générateurs de sons.
Dans sa série Discomateria des surfaces telles que le plastique, le métal, le verre ou le marbre sont rendues audibles grâce à un traitement électroacoustique via une platine spécialement construite par l’artiste lui-même. Elle crée une chambre noire sonore propre à créer une dilatation moléculaire ou plutôt ondulatoire. « L’image » sonore devient un océan de fantômes à la sensibilité renaissante. S’identifie une terre promise reposant sur la seule foi de la découverte.
Borghi extrait le son de la parure de pacotille, il devient le carburant nécessaire au moteur humain à travers une porosité particulière et sans relation d’appropriation. Elle surgit comme langage « de l’avec ». La résonance de la matière travaille ce qui résonne en nous. L’artiste franchit le cap d’objet de base pour faire jaillir son impalpable, son immanence.
C’est ce qui fait de cette « musique » l’art le plus rare, « d’avant la lettre » entre désir et loi. En plus d’une oeuvre sonore il en résulte aussi une oeuvre graphique et plastique. Elle reste capable de négocier sur ces différents plans un temps neuf et des « reliures».
jean-paul gavard-perret
Andrea Borghi, Discomateria, dispositif électroacoustique — disques – matériaux. Librairie Humus, Lausanne, Samedi 18 novembre 2017
Voir: http://borghi74aa.blogspot.it/ et https://soundcloud.com/andreaborghi